Sois tranquille!
Ces paroles de l’Écriture sainte sont suffisantes: «Arrêtez, et sachez que je suis Dieu.»
Le fait d’entendre le chœur des hommes ce soir a réveillé mes souvenirs et m’a rappelé les cantiques que je chantais quand j’étais enfant. Nous interprétions avec ferveur :
Tous unis et pleins d’ardeur, travaillons !
Et le cœur empli de soleil, chantons !
La tâche est là ! N’hésitons pas !
Pour le Seigneur, travaillons1 !
Nous avions une directrice de chœur qui nous apprenait, à nous, les garçons à chanter. Il fallait chanter. Stella Waters agitait sa baguette à quelques centimètres de notre nez et battait la mesure d’un pied lourd qui faisait craquer le plancher.
Si nous chantions bien, elle nous laissait choisir notre cantique préféré. C’était inévitablement :
Maître, la tempête lance
Ses vagues autour de nous.
Le ciel est couvert de nuages.
Nul abri près de nous.
N’éprouves-tu pas de crainte ?
Peux-tu encore dormir
Quand la mer furieuse menace
De nous faire tous périr ?
Ensuite le refrain rassurant :
Les vents et la mer m’obéissent tous,
Sois tranquille, sois tranquille !
Que ce soit la fureur de la mer
Ou bien des démons ou des hommes méchants,
Rien n’engouffrera la barque où se tient
Le Maître des cieux, terre et océans.
Tout obéit à ma volonté !
Sois tranquille, sois tranquille !
Tout obéit à ma volonté !
Soit donc tranquille2.
Quand j’étais enfant, j’avais une certaine idée du danger que représentait une tempête en mer. Mais je ne comprenais pas grand-chose aux autres démons qui peuvent nous pourchasser dans la vie, détruire nos rêves, étouffer nos joies et nous faire dévier de notre voyage vers le royaume céleste de Dieu.
La liste des démons destructeurs est longue et chacun, jeune ou vieux, connaît ceux contre lesquels il doit lutter. Je n’en citerai que quelques-uns : Le démon de la cupidité, le démon de la malhonnêteté, le démon des dettes, le démon du doute, le démon de la drogue et ces démons jumeaux que sont le manque de pudeur et l’immoralité. Chacun de ces démons peut faire des ravages dans notre vie. À eux tous, ils peuvent provoquer notre destruction totale.
L’Ecclésiaste nous met en garde contre la cupidité : « Celui qui aime l’argent n’est pas rassasié par l’argent, et celui qui aime les richesses n’en profite pas3. »
Jésus a donné le conseil suivant : « Gardez-vous avec soin de toute avarice ; car la vie d’un homme ne dépend pas de ses biens, fût-il dans l’abondance4. »
Nous devons apprendre à faire la distinction entre la nécessité et la cupidité.
Quand nous parlons du démon de la malhonnêteté, nous pouvons le trouver dans toutes sortes d’endroits. L’un d’eux, c’est l’école. Abstenons-nous de tricher, de mentir, de profiter des autres et de quoi que ce soit de semblable. Que l’intégrité soit notre règle.
Quand il s’agit de prendre des décisions, ne vous demandez pas : « Qu’est-ce que les autres vont penser ? » mais plutôt : « Qu’est-ce que je vais penser de moi-même ? »
La tentation de suivre le démon des dettes nous assaille de nombreuses fois chaque jour. Je cite la recommandation du président Hinckley :
« Je suis perturbé par l’immense endettement qui est suspendu au-dessus de la population du pays, de notre peuple y compris…
« Nous nous laissons tenter par une publicité séductrice. La télévision nous présente l’invitation alléchante d’emprunter jusqu’à 125 % de la valeur de notre maison. Mais on ne parle pas des intérêts…
« Je comprends naturellement bien qu’il puisse être nécessaire d’emprunter pour avoir une maison. Mais achetons une maison que nous pouvons nous offrir et allégeons ainsi les paiements qui seront constamment suspendus au-dessus de notre tête, sans répit et sans miséricorde, pendant trente ans5. »
J’ajouterai : Nous ne devons pas permettre à nos envies de dépasser nos gains.
Quand je parle du démon de la drogue, j’y inclus bien entendu l’alcool. La drogue diminue notre capacité de penser, de raisonner et de faire des choix prudents et sages. Elle a souvent pour résultat la violence, les mauvais traitements à l’encontre de l’épouse et des enfants et elle peut provoquer une conduite qui cause du chagrin et des souffrances à des innocents. Une manière efficace de formuler sa détermination est celle-ci : « Dites simplement non à la drogue. » Cela peut être renforcé par l’Écriture :
« Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira ; car le temple de Dieu est saint, et c’est ce que vous êtes6. »
Lorsque je pense aux démons jumeaux que sont le manque de pudeur et l’immoralité, je devrais en faire des triplés et y ajouter la pornographie. Les trois vont ensemble.
Dans l’interprétation du songe de Léhi, nous trouvons une bonne description du caractère destructeur de la pornographie : « Et les brouillards de ténèbres sont les tentations du diable, qui aveuglent les yeux, et endurcissent le cœur des enfants des hommes, et les entraînent sur de larges routes afin qu’ils périssent et se perdent7. »
Hugh B. Brown, apôtre moderne, a déclaré : « Tout manque de pudeur suscitant des pensées impures est une profanation du corps, ce temple dans lequel le Saint-Esprit peut demeurer8. »
Je vous recommande ce soir un joyau tiré de l’Improvement Era. Il a été publié en 1917 mais est tout aussi applicable de nos jours : « L’habitude actuelle et courante de l’indécence dans l’habillement, le déluge de récits immoraux dans la littérature, au théâtre et particulièrement au cinéma… le fait que l’on tolère le manque de pudeur dans la conversation et la conduite quotidienne font des ravages en ce qu’ils encouragent des vices qui détruisent l’âme9. »
Dans son « Essay on Man », un texte inspiré, Alexander Pope dit :
Le vice est un monstre à l’aspect si effrayant,
Qu’il suffit de le voir pour le détester ;
Mais quand on le voit trop souvent, son visage devient familier,
D’abord on le supporte, puis on s’apitoie et enfin on l’adopte10.
On peut peut-être trouver un bon sommaire à propos de ce démon dans l’épître de Paul aux Corinthiens : « Aucune tentation ne vous est survenue qui n’ait été humaine, et Dieu, qui est fidèle, ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces ; mais avec la tentation il préparera aussi le moyen d’en sortir, afin que vous puissiez la supporter11. »
Pour chacun de nous il vaut infiniment mieux entendre et écouter l’appel de la conscience, car la conscience nous met toujours en garde comme une amie avant de nous punir comme un juge.
Le Seigneur lui-même nous donne le dernier mot : « Soyez purs, vous qui portez les vases du Seigneur12. »
Mes frères, il est une responsabilité que personne ne peut éluder. C’est l’effet de l’influence personnelle.
Notre influence se fait à coup sûr sentir dans notre famille. Il nous arrive parfois, à nous, pères, d’oublier que nous avons autrefois été, nous aussi, des enfants, et les enfants peuvent parfois causer beaucoup de problèmes à leurs parents
Je me souviens combien j’aimais les chiens quand j’étais jeune. Un jour, j’ai pris mon chariot, j’y ai mis une caisse à oranges et je suis parti à la recherche de chiens. À cette époque-là, on en trouvait partout : à l’école, sur les trottoirs, dans les terrains vagues, qui étaient nombreux. Quand je trouvais un chien et que je l’attrapais, je le mettais dans la caisse, je le ramenais chez moi, je l’enfermais dans l’appentis à charbon et verrouillais la porte. Je crois que ce jour-là j’ai ramené six chiens de tailles diverses et j’en ai fait ainsi mes prisonniers. Je n’avais pas la moindre idée de ce que j’allais faire de tous ces chiens, et je n’ai donc parlé à personne de ce que j’avais fait.
Mon père est rentré du travail et, comme d’habitude, a pris le seau à charbon et est allé à l’appentis pour le remplir. Vous pouvez imaginer sa surprise et sa consternation quand il a ouvert la porte et s’est trouvé face à face avec six chiens qui essayaient tous de s’enfuir en même temps. Si je me souviens bien, le rouge lui est monté aux joues, puis il s’est calmé et il m’a dit tranquillement : « Tommy, l’appentis à charbon est pour le charbon. Les chiens des autres leur appartiennent légitimement. » En l’observant, j’ai reçu une leçon de patience et de calme.
C’était là une bonne chose, car un événement du même genre s’est produit dans ma vie avec mon fils cadet, Clark.
Clark a toujours aimé les animaux, les oiseaux, les reptiles, tout ce qui vit. Parfois cela provoquait un peu de chaos à la maison. Il est rentré un jour, alors qu’il était enfant, du Provo Canyon, avec un serpent d’eau qu’il avait appelé Herman.
Herman a immédiatement disparu. Sœur Monson l’a retrouvé dans le tiroir à couverts. Les serpents d’eau ont l’art de se trouver là où l’on s’y attend le moins. Clark l’a installé dans la baignoire, a mis le bouchon, y a mis de l’eau et a apposé sur la baignoire une affiche, qui disait : « N’utilisez pas cette baignoire. Elle appartient à Herman. » Nous avons donc dû utiliser l’autre salle de bains pendant qu’Herman occupait seul ce lieu.
Mais un jour, à notre grand étonnement, Herman a disparu. Il aurait dû l’appeler Houdini. Plus trace de lui ! Le lendemain, sœur Monson a donc nettoyé la baignoire et l’a préparée pour son usage normal. Plusieurs jours ont passé.
Un soir, j’ai décidé qu’il était temps que je prenne un bain relaxant ; j’ai donc rempli la baignoire d’eau chaude et je me suis couché paisiblement pour quelques instants de détente. J’étais en train de méditer lorsque l’eau savonneuse a atteint le niveau du trop-plein et a commencé à couler dedans. Imaginez ma surprise lorsque, alors que j’avais les yeux fixés sur le trop-plein, Herman en est sorti et s’est dirigé tout droit vers ma figure. J’ai hurlé à ma femme : « Frances! Voilà Herman qui arrive ! »
Nous nous sommes de nouveau emparés du serpent, nous l’avons mis dans une caisse bien fermée et nous avons fait une petite excursion jusqu’au Vivian Park, dans le Provo Canyon, et là nous avons libéré Herman dans les eaux du South Fork Creek. Nous ne l’avons plus jamais revu.
Il y a, dans les Doctrine et Alliances, section 107, verset 99, une exhortation brève mais directe à chaque détenteur de la prêtrise : « C’est pourquoi, que chaque homme s’instruise de son devoir et apprenne à remplir l’office auquel il est désigné, et ce, en toute diligence. » J’ai toujours pris cette exhortation au sérieux et je me suis efforcé de la mettre en application.
Tout au fond de ma mémoire, j’entends répéter la directive que John Taylor a donnée aux frères de la prêtrise : « Si vous ne magnifiez pas vos appels, Dieu vous tiendra pour responsable de ceux que vous auriez pu sauver, si vous aviez fait votre devoir13. »
J’ai appris que, dans l’exécution de nos responsabilités, lorsque nous donnons suite à une inspiration silencieuse et agissons sans retard, notre Père céleste guide nos pas et nous donne des bénédictions, à nous et à d’autres. Je ne connais pas de plus belle expérience ni de sentiment plus doux que de m’apercevoir, après avoir donné suite à une inspiration, que le Seigneur a répondu à la prière de quelqu’un d’autre par mon intermédiaire.
Un seul exemple devrait suffire. Un jour, il y a tout juste un peu plus d’un an, après avoir réglé des affaires au bureau, je me suis senti fortement poussé à rendre visite à une veuve âgée, une patiente de St-Joseph Villa, ici à Salt Lake City. J’y suis allé tout de suite.
Quand je suis entré dans sa chambre, je l’ai trouvée vide. J’ai demandé à une préposée où elle était et elle m’a envoyé dans un salon. J’y ai trouvé cette veuve qui parlait avec sa sœur et une autre amie. Nous avons bavardé.
Pendant que nous parlions, un homme s’est présenté à la porte de la pièce pour prendre une canette d’eau minérale au distributeur. Il m’a lancé un coup d’œil et a dit : « Mais c’est Tom Monson ! »
« Oui, ai-je répondu. Et, vous avez l’air d’être de la famille Hemingway. » Il a reconnu qu’il était Stephen Hemingway, fils d’Alfred Eugene Hemingway, qui avait été mon conseiller quand j’étais évêque et que j’appelais Gene. Stephen m’a dit que son père était là, dans le même bâtiment, et était à l’article de la mort. Il avait demandé après moi et la famille avait cherché à prendre contact avec moi, mais n’avait pas pu trouver mon numéro de téléphone.
J’ai pris congé des dames et j’ai accompagné Stephen dans la chambre de mon ancien conseiller, où se trouvaient également rassemblés d’autres enfants, sa femme étant décédée quelques années auparavant. Les membres de la famille ont considéré ma rencontre avec Stephen dans le salon comme une réponse donnée par notre Père céleste à leur grand désir de me voir rencontrer leur père avant sa mort. J’avais, moi aussi, ce sentiment, car si Stephen n’était pas entré dans la pièce où je me trouvais exactement au moment où il l’a fait, je n’aurais même pas su que Gene était dans le bâtiment
Nous lui avons donné une bénédiction. Un esprit de paix régnait. Nous avons eu une merveilleuse conversation, après quoi je suis parti.
Le lendemain matin, un coup de téléphone m’apprenait que Gene Hemingway était décédé vingt minutes exactement après avoir reçu la bénédiction que son fils et moi lui avions donnée.
J’ai fait une prière silencieuse de remerciement à mon Père céleste pour m’avoir incité à me rendre à St-Joseph Villa et m’avoir conduit auprès de mon cher ami, Alfred Eugene Hemingway.
Je me plais à penser que, tandis que nous jouissions de l’influence de l’Esprit, priions humblement et prononcions une bénédiction de la prêtrise, les pensées de Gene Hemingway ont fait écho aux paroles mentionnées dans le cantique « Maître, la tempête lance », que j’ai citées au commencement de mon discours :
Mon Rédempteur, ô demeure
Désormais près de moi,
Car je veux rentrer au port céleste
Et m’asseoir auprès de toi.
J’aime toujours ce cantique et je vous témoigne ce soir de la consolation qu’il apporte :
Que ce soit la fureur de la mer
Ou bien des démons ou des hommes méchants,
Rien n’engouffrera la barque où se tient
Le Maître des cieux, terre et océans.
Tout obéit à ma volonté !
Sois donc tranquille14.
Ces paroles de l’Écriture sainte sont suffisantes : « Arrêtez, et sachez que je suis Dieu15. » Je témoigne de cette vérité, au nom de Jésus-Christ. Amen.