2000-2009
Mme Patton – L’histoire continue
Octobre 2007


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Mme Patton – L’histoire continue

Je suis certain que notre Père céleste se souvenait de ses besoins et voulait qu’elle entende les vérités réconfortantes de l’Évangile

Mon compagnon de service, James E. Faust, me manque aujourd’hui et j’exprime mon amour à sa femme et aux siens. Et je suis assuré qu’il sert le Seigneur ailleurs. Je souhaite la bienvenue aux Autorités générales qui viennent d’être soutenues : le président Eyring, frère Cook et frère González.

Il y a trente-huit ans, lors d’une conférence générale tenue dans le Tabernacle à Temple Square, j’ai parlé d’Arthur Patton, un de mes amis d’enfance, qui est mort tout jeune. Le discours était intitulé : « Mme Patton, Arthur est vivant1. » Je me suis adressé à Mme Patton, la mère d’Arthur, qui n’était pas membre de l’Église. J’avais peu d’espoir qu’elle entende mon discours et je voulais parler à tous les gens qui pouvaient m’entendre du message glorieux de l’Évangile d’espoir et d’amour. Récemment je me suis senti poussé à parler de nouveau d’Arthur et à vous relater ce qui s’est passé après mon message original.

Je voudrais tout d’abord vous parler d’Arthur. Il avait les cheveux blonds et bouclés et un sourire jusqu’aux oreilles. Il était le plus grand des garçons de la classe. Je suppose que c’est grâce à cela qu’en 1940, au moment où le grand conflit qui est devenu la Deuxième Guerre mondiale s’étendait sur une grande partie de l’Europe, Arthur a pu duper les officiers recruteurs et s’engager dans la marine à l’âge tendre de quinze ans. Pour Arthur et la plupart des garçons, la guerre était une grande aventure. Je me rappelle l’allure qu’il avait dans son uniforme de marine. Comme nous aurions voulu être plus âgés, ou du moins plus grands, pour pouvoir nous engager aussi !

La jeunesse est une période très spéciale de la vie. Comme Longfellow l’a écrit :

Comme elle est belle, la jeunesse ! Comme son éclat est grand,

Avec ses illusions, ses aspirations, ses rêves !

Livre des commencements, histoire sans fin,

Chaque fille une héroïne, chaque jeune homme un ami2 !

La mère d’Arthur était si fière de l’étoile bleue qui ornait la fenêtre de sa salle de séjour. Cette étoile disait à chaque passant que son fils portait l’uniforme de son pays et était en service actif. Quand je passais devant la maison, elle ouvrait souvent la porte et m’invitait à entrer pour lire la dernière lettre d’Arthur. Ses yeux se remplissaient de larmes ; elle me demandait alors de lire à haute voix. Arthur était tout pour sa mère veuve.

Je vois encore les mains rugueuses de madame Patton remettre soigneusement la lettre dans son enveloppe. C’étaient des mains qui travaillaient dur : madame Patton faisait le nettoyage dans un bâtiment de bureaux du centre ville. Chaque jour de sa vie, excepté le dimanche, on pouvait la voir longer le trottoir, seau et balai en mains, les cheveux gris tirés en arrière en un chignon serré, les épaules lasses du travail et courbées par l’âge.

En mars 1944, alors que la guerre faisait rage, Arthur a été transféré de l’USS Dorsey, un destroyer, au USS White Plains, un porte-avions. Tandis qu’il était à Saipan, dans le Pacifique sud, le bateau a été attaqué. Arthur était l’un des hommes à bord qui ont été portés disparus en mer.

L’étoile bleue a été retirée de son emplacement sacré dans la fenêtre de devant de la maison des Patton. Elle a été remplacée par une en or, indiquant que celui que l’étoile bleue représentait avait été tué au combat. Une lumière s’est éteinte dans la vie de madame Patton. Elle a été plongée dans les ténèbres totales et dans un désespoir profond.

C’est avec une prière dans le cœur que je suis entré dans l’allée familière menant à sa maison en me demandant quelles paroles de réconfort pourraient bien sortir de la bouche du gamin que j’étais.

La porte s’est ouverte et madame Patton m’a pris dans ses bras comme si j’étais son propre fils. La maison est devenue une chapelle lorsque cette mère terrassée par la douleur et le garçon maladroit que j’étais se sont mis à genoux pour prier.

Quand nous nous sommes relevés, elle a plongé ses yeux dans les miens et m’a dit : « Tommy, je n’appartiens à aucune Église, mais toi si. Dis-moi, Arthur revivra-t-il ? » Je lui ai témoigné du mieux que je pouvais qu’Arthur revivrait effectivement.

Quand j’ai raconté cela, il y a de longues années, en conférence générale, j’ai mentionné que j’avais perdu madame Patton de vue mais que je voulais une fois de plus répondre à sa question : « Arthur revivra-t-il ? »

J’ai parlé du Sauveur du monde, qui a foulé les chemins poussiéreux de villages que nous appelons maintenant avec vénération la Terre sainte, qui a rendu la vue à l’aveugle, l’ouïe au sourd, la faculté de marcher au boiteux et la vie aux morts, de celui qui nous a assuré tendrement et affectueusement : « Je suis le chemin, la vérité et la vie3. »

J’ai expliqué que le plan de vie et l’explication de son cours éternel nous viennent du Maître du ciel et de la terre, Jésus-Christ, le Seigneur. Pour comprendre la signification de la mort, nous devons apprécier le but de la vie.

J’ai dit que, dans notre dispensation, le Seigneur a déclaré : « Et maintenant, en vérité, je vous le dis, j’étais au commencement avec le Père et je suis le Premier-né4. » « L’homme était aussi au commencement avec Dieu5. »

Jérémie, le prophète, a écrit :

« La parole de l’Éternel me fut adressée, en ces mots :

« Avant que je t’eusse formé… je te connaissais, et avant que tu fusses sorti… je t’avais consacré, je t’avais établi prophète des nations6. »

Quittant ce monde majestueux d’esprit, nous entrons dans l’étape grandiose de la vie pour nous montrer obéissants à tout ce que Dieu a commandé. Pendant la condition mortelle, nous passons de la petite enfance innocente à une enfance pleine d’interrogations, puis à la réflexion de l’âge adulte. Nous connaissons la joie et la douleur, la réussite et la déception, le succès et l’échec. Nous goûtons le doux et nous faisons l’expérience de l’amer. C’est cela, la condition mortelle.

Alors, dans chaque vie, vient l’expérience connue sous le nom de mort. Personne n’en est exempt. Tous doivent franchir ses portes.

Pour la plupart des gens, il y a quelque chose de sinistre et de mystérieux dans ce visiteur indésirable qui s’appelle la mort. Peut-être est-ce la peur de l’inconnu qui fait que beaucoup redoutent sa venue.

Arthur Patton est mort rapidement. D’autres s’attardent. Nous savons, par la parole révélée de Dieu, que « les esprits de tous les hommes, dès qu’ils quittent ce corps mortel… sont ramenés auprès de ce Dieu qui leur a donné la vie7. »

J’ai assuré à madame Patton et à tous les autres qui écoutaient que Dieu ne les abandonnerait jamais, qu’il a envoyé son Fils unique dans le monde pour nous enseigner par l’exemple la vie que nous devons mener. Son Fils est mort sur la croix pour racheter toute l’humanité. Les paroles qu’il a dites à une Marthe éplorée et à ses disciples nous apportent aujourd’hui le réconfort :

« Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort ;

« et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais8. »

« Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père. Si cela n’était pas, je vous l’aurais dit. Je vais vous préparer une place…

« je reviendrai, et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis vous y soyez aussi9. »

J’ai réitéré les témoignages de Jean le révélateur et de Paul, l’apôtre. Jean a écrit :

« Et je vis les morts, les grands et les petits, qui se tenaient devant [Dieu]…

« La mer rendit les morts qui étaient en elle10. »

Paul a déclaré : « Et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ11. »

J’ai expliqué qu’en attendant le matin glorieux de la résurrection, nous marchons par la foi. « Aujourd’hui nous voyons au moyen d’un miroir, d’une manière obscure, mais alors nous verrons face à face12. »

J’ai rassuré madame Patton en lui disant que Jésus lui a lancé une invitation, à elle et à tous :

« Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de coeur; et vous trouverez du repos pour vos âmes13. »

Dans mon message, je lui ai expliqué que cette connaissance la soutiendrait dans son chagrin, qu’elle ne serait jamais dans la situation tragique de l’incroyante que, lors de la perte d’un fils, l’on a entendu dire, pendant qu’elle regardait le cercueil descendre dans la terre : « Adieu, mon fils. Adieu pour toujours. » Au lieu de cela, la tête droite, le courage intact et la foi inébranlable, elle pouvait lever les yeux pour regarder au-delà des vagues légères du Pacifique bleu et chuchoter : « Au revoir, Arthur, mon fils bien-aimé. Au revoir jusqu’à ce que nous nous retrouvions. »

J’ai cité les paroles de Tennyson, comme si c’était Arthur qui les lui disait :

Le soleil est couchant, et du soir est l’étoile…Un appel décisif, me dit : Viens, viens à moi ! Qu’il n’y ait sur le banc ni récif, ni de voile, Et prenons à la mer…

Le crépuscule est là – j’entends du soir la cloche, Les ténèbres profondes touchent le firmament. Que nos adieux soient doux ; il faudrait une torche Au moment du départ, à notre embarquement.

Quoique loin du cercueil de cet autel de glace,Le flot peut m’entraîner sous l’égide du vent –Je verrai mon Pilote ! oui même face à face,Quand j’aurai traversé l’inconstance du Banc14.

Quand j’ai terminé mon message il y a si longtemps, j’ai exprimé à madame Patton mon témoignage personnel de témoin spécial, lui disant que Dieu notre Père se souvenait d’elle, que par la prière sincère elle pouvait communiquer avec lui. Que lui aussi avait un Fils qui était mort, Jésus-Christ, le Seigneur. Qu’il est notre avocat auprès du Père, le Prince de la paix, notre Sauveur et Rédempteur divin et qu’un jour nous le verrions face à face.

J’ai espéré que mon message à madame Patton atteindrait et toucherait d’autres personnes qui avaient perdu un proche.

Et maintenant, mes frères et soeurs, je vous raconte le reste de l’histoire. J’ai prononcé mon message le 6 avril 1969. Encore une fois, je n’avais guère l’espoir que madame Patton entendrait le discours. Je n’avais aucune raison de penser qu’elle écouterait la conférence générale. Comme je l’ai mentionné, elle n’était pas membre de l’Église. Et puis, j’ai appris qu’une sorte de miracle avait eu lieu. N’ayant absolument aucune idée de qui parlerait à la conférence ni des sujets qui seraient traités, les voisins, membres de l’Église, de Terese Patton en Californie, où elle était allée habiter, l’ont invitée chez eux pour écouter une session de conférence avec eux. Elle a accepté leur invitation et de ce fait écoutait la session même où je lui adressais personnellement mon discours.

La première semaine de mai 1969, à mon grand étonnement et à ma grande joie, j’ai reçu une lettre portant le cachet de Pomona (Californie) datée du 29 avril 1969. Elle était de Terese Patton. Je vous en lis un extrait :

« Cher Tommy,

« J’espère que cela ne te dérange pas que je t’appelle Tommy, car c’est toujours comme cela que je t’appelle quand je pense à toi. Je ne sais comment te remercier du discours réconfortant que tu as prononcé.

« Arthur avait quinze ans quand il s’est engagé dans la marine. Il a été tué le 5 juillet 1944, un mois avant son dix-neuvième anniversaire.

« C’était merveilleux de ta part de penser à nous. Je ne sais comment te remercier de tes paroles consolatrices, tant quand Arthur est mort que dans ton discours. Je me suis posé beaucoup de questions au fil des années et tu y as répondu. Je suis maintenant en paix au sujet d’Arthur… Dieu te bénisse et te garde toujours.

« Affectueusement,

« Terese Patton15 »

Mes frères et sœurs, je ne crois pas que c’est par coïncidence que j’ai été poussé à donner ce message particulier à la conférence générale d’avril 1969. Je ne crois pas non plus que c’est par coïncidence que Terese Patton a été invitée par des voisins à se joindre à eux chez eux justement pour cette session de conférence. Je suis certain que notre Père céleste se souvenait de ses besoins et voulait qu’elle entende les vérités réconfortantes de l’Évangile.

Bien que madame Patton ait quitté depuis longtemps la condition mortelle, je me suis senti fortement poussé à vous raconter la façon dont notre Père céleste l’a bénie et a pourvu à ses besoins de veuve. Je témoigne de toute la force de mon âme que notre Père céleste aime chacun de nous. Il entend les prières des cœurs humbles, il entend nos appels à l’aide, comme il a entendu madame Patton. Son Fils, notre Sauveur et notre Rédempteur, dit à chacun de nous aujourd’hui : « Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi16. »

Serons-nous à l’écoute quand il frappera ? Entendrons-nous cette voix ? Ouvrirons-nous cette porte au Seigneur, afin de recevoir l’aide qu’il est si prêt à donner ? Je prie pour que ce soit le cas, au nom de Jésus-Christ. Amen.

Notes

  1. Conference Report, avril 1969, p. 126-129.

  2. « Moritus Salutamus », The Complete Poetical Works of Henry Wadsworth Longfellow, 1883, p. 259.

  3. Jean 14:6.

  4. D&A 93:21.

  5. D&A 93:29.

  6. Jérémie 1:4, 5.

  7. Alma 9:11.

  8. Jean 11:25, 26.

  9. Jean 14:2, 3.

  10. Apocalypse 20:12, 13.

  11. 1 Corinthiens 15:22.

  12. 1 Corinthiens 13:12.

  13. Matthieu 11:28, 29.

  14. Alfred Tennyson, « Crossing the Bar », in Poems of the English Race, édités par Raymond Macdonald Alden, 1921, 362.

  15. Correspondance personnelle appartenant à Thomas S. Monson.

  16. Apocalypse 3:20.