2010-2019
Le premier grand commandement
Octobre 2012


19:48

Le premier grand commandement

Nous avons une vie de disciples dévoués à consacrer pour montrer notre amour du Seigneur.

Aucun groupe de l’histoire de l’humanité n’attire davantage ma sympathie que les onze apôtres restants, immédiatement après la mort du Sauveur du monde. Je crains qu’on n’oublie à quel point ils étaient encore inexpérimentés et étaient totalement dépendants de Jésus, ce qui est normal. Il leur avait dit : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m’as pas connu1… ! »

Mais, bien sûr, à leur avis, il était loin d’avoir passé assez de temps auprès d’eux. Trois ans, c’est peu de temps pour appeler un collège complet de douze apôtres de parmi une poignée de convertis récents, les débarrasser de leurs coutumes erronées, leur enseigner les merveilles de l’Évangile de Jésus-Christ et les laisser poursuivre l’œuvre jusqu’à ce qu’eux aussi soient tués à leur tour. Quelle perspective déconcertante pour un groupe d’anciens nouvellement ordonnés !

Surtout, le fait de rester seuls. À maintes reprises, Jésus a essayé de leur dire qu’il n’allait pas rester physiquement présent à leurs côtés, mais, soit qu’ils n’aient pas pu le comprendre, soit qu’ils ne l’aient pas voulu, cette idée leur était insupportable. Marc écrit :

« Car il enseignait ses disciples, et il leur dit : Le Fils de l’homme sera livré entre les mains des hommes ; ils le feront mourir, et, trois jours après qu’il aura été mis à mort, il ressuscitera.

« Mais les disciples ne comprenaient pas cette parole, et ils craignaient de l’interroger2. »

Puis, après un laps de temps trop court pour apprendre et encore moins de temps pour se préparer, l’impensable a lieu, l’incroyable se produit. Leur Seigneur et Maître, leur Conseiller et Roi est crucifié. Son ministère mortel est terminé et la petite Église en difficulté qu’il a établie semble vouée au mépris et condamnée à disparaître. Ses apôtres ont bien été témoins de son état ressuscité mais cela aussi n’a fait qu’ajouter à leur confusion. Se demandant certainement : « Que faut-il faire maintenant ? », ils se sont alors tournés vers Pierre, le chef des apôtres.

Je vous demande maintenant votre indulgence pour la liberté que je prends par rapport aux Écritures afin d’évoquer ce dialogue. Pierre a pu dire à ses collègues quelque chose comme : « Frères, nous avons passé trois merveilleuses années. Aucun de nous n’aurait pu imaginer, ne serait-ce que quelques mois plus tôt, les miracles que nous avons vus et la présence divine dont nous avons bénéficié. Nous avons parlé, prié et travaillé avec le Fils même de Dieu. Nous avons marché avec lui, pleuré avec lui, et cette horrible dernière nuit, personne n’a pleuré plus amèrement que moi. Mais c’est terminé. Il a terminé son œuvre et il est ressuscité. Il a opéré son salut et le nôtre. Alors, vous demandez : ‘Que faut-il faire maintenant ?’ Je ne peux pas mieux vous dire que de retourner à votre ancienne vie et de vous réjouir. J’ai l’intention d’aller pêcher. » Et au moins six des dix apôtres restants manifestent leur accord : « Nous allons aussi avec toi. » Jean, qui est l’un d’entre eux, écrit : « Ils sortirent et montèrent dans une barque3. »

Mais, hélas, la pêche n’est pas bonne. Leur première nuit de retour sur le lac, ils n’attrapent rien, pas le moindre poisson. Dès les premières lueurs de l’aube, ils retournent, déçus, vers le rivage où ils voient au loin une silhouette qui les interpelle : « Enfants, est-ce que vous avez attrapé quelque chose ? » D’un air abattu, ces apôtres redevenus pêcheurs répondent ce qu’aucun pêcheur ne veut admettre. « Nous n’avons rien pris », marmonnent-ils, et, pour couronner le tout, on les traite d’« enfants4 ».

« Jetez le filet du côté droit de la barque, et vous trouverez5 », crie l’inconnu ; et à ces simples mots, tout leur revient. Trois ans plus tôt, ces mêmes hommes pêchaient sur cette même mer. Cette fois-là, ils avaient « travaillé toute la nuit sans rien prendre6 », dit l’Écriture. Mais un Galiléen sur la plage leur avait crié de jeter leurs filets et ils avaient pris « une grande quantité de poissons7 », suffisamment pour que leurs filets se rompent. La prise remplissait deux barques au point qu’elles s’enfonçaient.

Et voilà que cela se reproduisait. Ces « enfants », comme ils venaient très justement d’être appelés, jettent avec empressement leur filet et ne peuvent « plus le retirer à cause de la grande quantité de poissons8 ». Jean déclare l’évidence : « C’est le Seigneur9 ! » Et l’impétueux Pierre, d’un bond, est hors de la barque.

Après les joyeuses retrouvailles avec Jésus ressuscité, Pierre a un entretien avec le Sauveur qui, selon moi, est le moment décisif du ministère apostolique en général et de celui de Pierre en particulier, car il oriente cet homme solide comme un roc vers une vie majestueuse de serviteur dévoué et de dirigeant sans égal. Regardant leurs barques abîmées, leurs filets effilochés et un monceau étonnant de cent cinquante-trois poissons, Jésus dit au chef des apôtres : « Pierre, m’aimes-tu plus que tu n’aimes tout ceci ? » Pierre répond : « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime10. »

En réponse, le Sauveur, continuant à regarder son disciple dans les yeux, dit de nouveau : « Pierre, m’aimes-tu ? » Certainement perplexe devant la répétition de la question, le grand pêcheur répond une seconde fois : « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime11. »

Le Sauveur répond brièvement à nouveau mais, avec une insistance implacable, demande une troisième fois : « Pierre, m’aimes-tu ? » Certainement que Pierre doit maintenant se sentir très mal à l’aise. Peut-être le souvenir demeure-t-il dans son cœur d’une autre question posée trois fois quelques jours plus tôt et à laquelle il a répondu aussi catégoriquement, mais négativement. Ou peut-être se demande-t-il s’il ne s’est pas mépris sur la question du Maître pédagogue. Ou peut-être sonde-t-il son cœur à la recherche d’une confirmation honnête de la réponse qu’il a donnée si rapidement, presque machinalement. Quels que soient ses sentiments, Pierre dit pour la troisième fois : « Seigneur, tu sais que je t’aime12. »

Ce à quoi Jésus répond (et là encore je reconnais que je fais une extrapolation non scripturaire) peut-être quelque chose comme : « Alors Pierre, qu’est-ce que tu fais là ? Pourquoi es-tu revenu sur ce même rivage, avec ces mêmes filets, tenir cette même conversation ? N’as-tu pas vu alors et ne vois-tu pas maintenant que si je veux du poisson, je peux en avoir ? Ce dont j’ai besoin, Pierre, c’est de disciples, et j’ai besoin d’eux pour toujours. J’ai besoin de quelqu’un qui nourrisse mes brebis et sauve mes agneaux. J’ai besoin de quelqu’un qui prêche mon Évangile et défende ma foi. J’ai besoin de quelqu’un qui m’aime, qui m’aime vraiment et aime la tâche que notre Père qui est dans les cieux m’a confiée. Notre message n’est pas sans conviction. Ce n’est pas une tâche éphémère. Elle n’est pas frappée du sort ; elle n’est pas désespérée ; elle n’est pas vouée aux rebuts de l’histoire. C’est l’œuvre du Dieu Tout-Puissant, et elle va changer le monde. Alors, pour la deuxième fois, et probablement la dernière, Pierre, je te demande de laisser tout cela et d’aller enseigner, témoigner, servir, sacrifier, aimer, travailler loyalement jusqu’au jour où ils te feront exactement ce qu’ils m’ont fait. »

Ensuite, se tournant vers tous les apôtres, il pourrait bien leur avoir dit quelque chose comme : « Êtes-vous aussi inconscients que les scribes et les Pharisiens ? Qu’Hérode et Pilate ? Est-ce que vous avez aussi pensé, comme eux, qu’on pouvait faire avorter cette œuvre simplement en me tuant ? Est-ce que vous avez aussi pensé, comme eux, que la croix, les clous et la tombe étaient la fin de tout et que chacun pouvait retourner allègrement à ce qu’il faisait avant ? Enfants, est-ce que ma vie et mon amour n’ont pas touché votre cœur plus profondément que cela ? »

Mes frères et sœurs bien-aimés, je ne suis pas certain de ce qui va nous arriver le jour du jugement mais je serais très surpris si, à un moment ou un autre de la conversation, Dieu ne nous posait pas exactement la question que le Christ a posée à Pierre : « M’as-tu aimé ? » Je crois qu’il voudra savoir si, avec notre compréhension mortelle, très inadéquate et parfois puérile des choses, nous avons au moins compris un seul commandement, le premier et le plus grand de tous les commandements : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces et de toute ta pensée13. » Et si à cet instant, nous pouvons bégayer : « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime », alors, il se pourrait qu’il nous rappelle que la caractéristique suprême de l’amour est toujours la loyauté.

Jésus a dit : « Si vous m’aimez, gardez mes commandements14. » Alors, nous avons des voisins à bénir, des enfants à protéger, des pauvres à soutenir et la vérité à défendre. Nous avons des torts à réparer, des vérités à proclamer et du bien à faire. Bref, nous avons une vie de disciples dévoués à consacrer pour montrer notre amour du Seigneur. Nous ne pouvons pas abandonner, nous ne pouvons pas faire marche arrière. Après une rencontre avec le Fils vivant du Dieu vivant, rien n’est plus jamais comme avant. La crucifixion, l’expiation et la résurrection de Jésus-Christ marquent le début d’une vie de chrétien, pas la fin. C’est cette vérité, cette réalité qui a permis à une poignée de pêcheurs galiléens redevenus apôtres de partir, sans une seule synagogue ni une seule épée15, laissant leur filets une deuxième fois pour continuer de forger l’histoire du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui.

Je témoigne, du fond de mon cœur, de toute mon âme, à tous ceux qui peuvent entendre ma voix, que ces clés apostoliques ont été rétablies sur la terre et qu’elles se trouvent dans l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours. À ceux qui ne se sont pas encore ralliés avec nous à la grande et ultime cause du Christ, nous disons : « S’il vous plaît venez. » À ceux qui étaient jadis avec nous mais ont battu en retraite, préférant sélectionner quelques hors-d’œuvre culturels du buffet du Rétablissement et laisser le reste du festin, je dis que j’ai bien peur que vous vous apprêtiez à passer beaucoup de longues nuits avec des filets vides. Vous êtes appelés à revenir, à rester fidèles, à aimer Dieu et à accorder votre aide. Dans cet appel à une fidélité renouvelée, j’inclus tous les membres rentrés de mission qui se sont un jour tenus dans des fonts baptismaux et ont levé le bras à angle droit en disant : « Ayant reçu l’autorité de Jésus-Christ16 ». Cette autorité doit avoir changé votre converti à tout jamais, mais elle est assurément censée vous avoir changés aussi à tout jamais. Aux jeunes de l’Église qui se préparent pour la mission, le temple et le mariage, nous disons : « Aimez Dieu et restez purs du sang et des péchés de cette génération. Vous avez une œuvre monumentale à accomplir comme l’a souligné le président Monson dans son annonce merveilleuse d’hier matin. Votre Père céleste attend de vous la loyauté et l’amour à tous les stades de votre vie. »

À tous ceux qui entendent ma voix, je dis que la voix du Christ retentit du fond des âges et demande à chacun de nous pendant qu’il est encore temps : « M’aimes-tu ? » Et de la part de chacun de nous, je réponds avec honneur et de toute mon âme : « Oui, Seigneur, nous t’aimons. » Et ayant mis la « main à la charrue17 », nous ne regarderons jamais en arrière aussi longtemps que cette œuvre ne sera pas terminée et que l’amour de Dieu et du prochain ne régiront pas le monde. Au nom de Jésus-Christ. Amen.