Vie et ministère de Gordon B. Hinckley
Le 16 février 1998, environ six mille huit cents saints des derniers jours étaient rassemblés sur la place de l’Indépendance à Accra au Ghana. Ils étaient venus accueillir leur prophète, Gordon B. Hinckley1. Debout devant eux, le visage souriant, il annonça la nouvelle tant attendue qu’un temple allait être construit dans leur pays. Jeffrey R. Holland, du Collège des douze apôtres, raconte qu’après l’annonce du président Hinckley, l’assistance « s’est levée et a poussé des acclamations, pleurant, dansant de joie et s’embrassant2 ». Des années plus tard, après la construction et la consécration du temple, une femme qui était présente ce jour-là raconta la joie qu’elle avait ressentie et les bénédictions que le temple lui avait apportées :
« Je garde le souvenir vif de la visite du président Hinckley au Ghana et de l’annonce d’un temple dans notre patrie. Je vois encore l’excitation qui se lisait sur le visage de chacun, le bonheur, les cris de joie. […]
« Aujourd’hui, parce qu’il y a un temple dans notre pays, je suis mariée et scellée à mon mari pour le temps et toute l’éternité. La bénédiction de vivre avec ma famille au-delà de la condition mortelle me remplit d’espoir tandis que je m’efforce de faire tout ce que je peux pour être avec elle à tout jamais3. »
Partout dans le monde, le président Hinckley a aidé les gens à trouver ce « grand espoir » dans leurs efforts pour vivre l’Évangile de Jésus-Christ. Comme au Ghana, il a souvent servi des milliers de personnes à la fois. Il allait aussi vers les gens un par un. Adney Y. Komatsu, des soixante-dix, décrit les sentiments qu’il a éprouvés lorsqu’il était président de mission et que Gordon B. Hinckley venait en visite dans sa mission :
« Pendant mes trois années de service, il ne m’a pas critiqué une seule fois malgré toutes mes faiblesses. […] Cela m’a stimulé. […] Lorsqu’il descendait d’avion, il m’attrapait la main et la secouait avec grand enthousiasme comme s’il pompait l’eau d’un puits. ‘Comment allez-vous président Komatsu ? […] Vous faites du bon travail.’ Il m’encourageait ainsi […] et lorsqu’il repartait j’avais envie de me donner non pas à cent pour cent mais à cent cinq4. »
Ce ne sont pas seulement les paroles inspirantes du président Hinckley, mais aussi sa façon de vivre qui communiquaient son encouragement. Russell M. Nelson, du Collège des Douze, raconte :
« Pendant que [le président Hinckley et son épouse] faisaient le trajet entre l’une de nos églises et un aéroport en Amérique centrale, leur voiture a été victime d’un accident. Sœur Nelson et moi roulions derrière eux et nous avons vu la chose se produire. Un camion, transportant sur son toit des barres métalliques non arrimées, se dirigeait sur eux à un carrefour. Pour éviter la collision, le conducteur du camion a freiné brutalement, projetant ces barres métalliques comme des lances à travers la voiture des Hinckley. Les vitres ont volé en éclats, les ailes et les portières ont été endommagées. L’accident aurait pu être très grave. Pendant qu’on retirait les morceaux de vitres de leurs vêtements et de leur peau, le président Hinckley a dit : ‘Le Seigneur soit loué pour sa bénédiction ; maintenant continuons dans une autre voiture5.’ »
Ces paroles prononcées spontanément dans un moment de crise sont représentatives de la vie du président Hinckley et de son ministère de disciple de Jésus-Christ. Comme l’a dit frère Holland, il était toujours rempli « de foi en Dieu et en l’avenir6 ».
Son héritage familial : un fondement de foi et de persévérance
À sa naissance, le 23 juin 1910, bien qu’étant le premier enfant de sa mère, Gordon Bitner Hinckley fut accueilli par huit frères et sœurs aînés. Le père de Gordon, Bryant Stringham Hinckley, avait épousé Ada Bitner après la mort de sa première femme, Christine. Ada et Bryant eurent quatre autres enfants après Gordon et élevèrent leur famille nombreuse dans l’amour et sans les distinguer par l’appellation de demi-frères et sœurs. Dès son plus jeune âge, Gordon apprit à chérir sa famille.
Son nom de famille et son deuxième prénom étaient un rappel de son noble héritage. Ses ancêtres du côté Hinckley comptaient certains des premiers colons de ce qui devint plus tard les États-Unis d’Amérique. Certains, parmi eux avaient été bannis vers ce continent, dans les années 1600, à cause de leurs croyances chrétiennes. D’autres étaient passagers du Mayflower, l’un des premiers navires à transporter des émigrants d’Europe en Amérique du Nord en 1620. Plus de deux siècles plus tard, le grand-père paternel de Gordon, Ira Nathaniel Hinckley allait être l’un des premiers pionniers de l’Église. En 1843, Ira, âgé de quatorze ans et orphelin depuis peu, s’était joint à l’Église à Nauvoo, après avoir entendu Joseph et Hyrum Smith prêcher. Anna Barr Musser Bitner Starr, l’arrière-grand-mère de Gordon, fit aussi partie des pionniers. Son fils, Breneman Barr Bitner, le grand-père maternel de Gordon raconte leur voyage de 1849 vers la vallée du lac Salé : « [À l’âge de onze ans,] j’ai conduit deux paires de bœufs et un chariot surchargé, dans la chaleur et dans le froid, à travers des déserts, des rivières et des montagnes jusqu’à cette vallée7. »
Bryant Hinckley rappelait souvent à ses enfants et à ses petits-enfants leur bel héritage. Un jour, il dit au sujet du voyage périlleux des pèlerins du Mayflower et de l’hiver long et froid qu’ils affrontèrent à leur arrivée : « Lorsque le Mayflower fut prêt à repartir au printemps, seuls quarante-neuf [des cent deux] passagers avaient survécu. Personne ne repartit [en Angleterre]. Cette attitude fait partie de vous, mes enfants ; ne jamais faire marche arrière8. » En restant fidèle à ce principe, Gordon reçut des occasions d’apprendre, de servir et de témoigner qu’il n’aurait jamais pu imaginer.
L’enfance : apprentissage de l’optimiste, de la diligence et de la fidélité
Enfant, Gordon Hinckley n’était pas la personne énergique et robuste que les gens ont connue plus tard dans sa vie. Il était un garçon « menu et frêle » qui tombait facilement malade9. Lorsqu’il contracta une coqueluche grave à l’âge de deux ans, un médecin dit à Ada que le seul remède était l’air pur de la campagne. La réaction de Bryant fut d’acheter une ferme de deux hectares […] et d’y construire une petite maison d’été10. La ferme, située dans une région de la vallée du lac Salé appelée East Mill Creek fut une bénédiction pour toute la famille, car elle fournit aux enfants un endroit où ils pouvaient explorer, jouer et apprendre des leçons importantes en travaillant ensemble.
Ada et Bryant Hinckley étaient des parents optimistes et diligents qui donnaient à leurs enfants des occasions d’apprendre et de réussir. Ils commencèrent à tenir la soirée familiale dès que le programme fut lancé en 1915. Le soir, ils lisaient des histoires, souvent tirées des Écritures. Ils avaient dans leur maison une pièce désignée comme bibliothèque où les enfants pouvaient lire de bons livres. Ils inculquaient la discipline à leurs enfants en les encourageant et en attendant d’eux le meilleur.
Avec les années, la foi de Gordon se développa, nourrie par l’influence constante de celle de ses parents. Puis, un jour, il vécut une expérience qui contribua à poser le fondement de son témoignage de Joseph Smith, le prophète :
« Lorsque j’avais douze ans, mon père m’a emmené à une réunion de prêtrise du pieu dans lequel nous vivions. J’étais assis au dernier rang tandis que lui, président du pieu, était assis sur l’estrade. Au début de cette réunion, la première du genre à laquelle j’aie jamais assisté, trois ou quatre cents hommes se sont levés. C’étaient des hommes qui venaient de tous les milieux, exerçant tous les métiers, mais tous avaient dans le cœur la même conviction qui leur faisait chanter ensemble ces magnifiques paroles :
Gloire à celui qui a vu Dieu le Père
Et que Jésus a choisi pour voyant.
En cette dispensation dernière,
Il est béni du fidèle croyant.
« j’ai entendu ces hommes pleins de foi chanter, il s’est produit quelque chose en moi. Dans mon cœur d’enfant est entrée une connaissance, mise là par le Saint-Esprit, que Joseph Smith était véritablement un prophète du Tout-Puissant11. »
Parcours d’études et moments difficiles
Petit, Gordon n’aimait pas l’école ; il préférait le grand air et la nature aux murs et aux bancs de la salle de classe. Mais en mûrissant, il apprit à apprécier les livres, l’école et la bibliothèque de la maison autant que les champs qu’il parcourait pieds nus petit enfant. En 1928, il obtint son diplôme de fin d’études secondaires et commença immédiatement son cursus à l’université d’Utah.
Ses quatre années d’études supérieures lui causèrent des problèmes quasi insurmontables. En 1929, le marché boursier américain s’effondra et la Grande Dépression se répandit à travers le pays et le monde. Le taux de chômage était d’environ 35 pour cent à Salt Lake City, mais Gordon avait la chance d’avoir un travail d’agent d’entretien pour payer ses frais de scolarité et ses fournitures scolaires. Bryant, qui dirigeait le centre sportif de l’Église Deseret Gym, diminua son propre salaire pour permettre à d’autres employés de garder leur travail12.
Plus éprouvante encore que ces contraintes financières fut la nouvelle qu’Ada, la mère de Gordon, avait un cancer. Elle décéda en 1930 à l’âge de cinquante ans. Gordon en avait vingt. Il raconte que le déchirement causé par la mort de sa mère fut « profond et douloureux13». Cette épreuve personnelle, ajoutée à l’influence des philosophies du monde et au cynisme de l’époque, l’amena à se poser des questions difficiles. « C’était une époque de terrible découragement et cela se ressentait énormément sur le campus » raconta Gordon. « J’en éprouvais moi-même une part. J’ai commencé à remettre en question certaines choses, y compris peut-être, dans une moindre mesure, la foi de mes parents. Ce n’est pas inhabituel pour les étudiants mais cela était particulièrement intense à ce moment-là14. »
Ses questions émergentes, bien que troublantes, n’ébranlèrent pas la foi de Gordon. Il raconta : « En filigrane, j’avais au fond de moi l’amour qui me venait de bons parents et d’une bonne famille, d’un évêque merveilleux, d’instructeurs dévoués et fidèles et des Écritures que je lisais et sur lesquelles je méditais. » Parlant des difficultés de cette époque pour lui et les autres jeunes de son âge, il dit : « Bien que dans notre jeunesse nous ayons eu du mal à comprendre beaucoup de choses, il y avait dans notre cœur de l’amour pour Dieu et pour son œuvre grandiose, et cela nous faisait triompher de nos doutes et de nos craintes. Nous aimions le Seigneur ainsi que les amis bons et honorables que nous avions. Cet amour nous donnait beaucoup de force15. »
Service missionnaire et conversion personnelle
Gordon obtint sa licence d’anglais et de langues anciennes de l’Université d’Utah en 1932. Un an plus tard, il se trouva à la croisée des chemins. Il souhaitait continuer ses études pour devenir journaliste et avait réussi, en plein cœur de la Dépression, à glaner de maigres économies pour les financer. Il pensait aussi au mariage. Gordon et Marjorie Pay, une jeune fille qui vivait de l’autre côté de la rue, s’étaient pris d’une affection mutuelle grandissante.
Mais peu de temps avant son vingt-troisième anniversaire, Gordon eut un entretien avec son évêque, John C. Duncan, qui lui demanda s’il avait songé à faire une mission. C’était « une suggestion déconcertante » pour Gordon16, car peu de jeunes hommes étaient appelés en mission pendant la Grande Dépression. Les familles n’avaient tout simplement pas les moyens de les soutenir financièrement.
Gordon répondit à son évêque qu’il partirait en mission, mais il se demandait comment sa famille ferait face financièrement. Ces inquiétudes se renforcèrent lorsqu’il apprit que la banque qui détenait son compte d’épargne avait fait faillite. Il a raconté : « Pourtant, je me souviens […] que mon père dit: ‘Nous ferons tout notre possible pour subvenir à tes besoins’, […] et mon frère et lui s’engagèrent à me soutenir financièrement jusqu’à la fin de ma mission. C’est à cette époque que nous découvrîmes un petit compte d’épargne que ma mère avait laissé : la monnaie qu’elle avait mise de côté après ses courses et autres achats. Avec cette aide modeste, il apparut que je pouvais partir en mission. » Pour Gordon, les pièces épargnées par sa mère étaient sacrées. Il expliquait : « J’y ai veillé avec le plus grand soin17 » Il fut envoyé dans la mission européenne.
Sentant son fils toujours préoccupé, Bryant Hinckley prépara pour lui un rappel simple de la véritable source de toute force. Gordon dit plus tard : « Quand je suis parti en mission, mon père bien-aimé m’a donné une carte sur laquelle étaient écrits cinq mots : ‘Ne crains pas, crois seulement’ (Marc 5:36)18. » Ces mots furent pour Gordon B. Hinckley une source d’inspiration, l’encourageant à accomplir sa mission avec fidélité et honneur. En particulier lorsque son père y ajouta six mots, dans un courrier, quelques semaines plus tard.
Ces six mots supplémentaires lui parvinrent pendant une période de grand découragement qui avait commencé le 29 juin 1933, lorsque frère Hinckley était arrivé à Preston, en Angleterre. À peine était-il arrivé à son appartement que son collègue missionnaire lui déclarait qu’ils allaient parler ce soir-là sur la place publique. « Je ne suis pas l’homme qu’il vous faut », répondit frère Hinckley, mais quelques heures plus tard, il se retrouvait à chanter et parler face à un groupe de spectateurs peu enthousiasmés19.
Frère Hinckley découvrit que beaucoup de gens n’étaient pas disposés à écouter le message de l’Évangile rétabli. La pauvreté causée par la dépression financière à travers le monde semblait pénétrer l’âme des gens qui le bousculaient dans le tramway et il trouvait peu de raisons de vouloir nouer des liens avec eux. En outre il se sentait malheureux physiquement. « En Angleterre, la période entre fin juin et début juillet est celle de la pollinisation et de la montée en graine des graminées, exactement au moment où je suis arrivé20 », se rappelait-il. Cela déclencha ses allergies et lui fit paraître la situation plus noire. Sa famille lui manquait. Marjorie lui manquait. Il avait le mal du pays. Le travail était décourageant. Ses collègues et lui avaient peu d’occasions d’instruire des amis de l’Église. Toutefois ils enseignaient et parlaient tous les dimanches dans les petites branches.
Pensant qu’il perdait son temps et l’argent de sa famille, frère Hinckley écrivit une lettre à son père expliquant sa triste situation. Bryant Hinckley répondit par un conseil que son fils allait suivre tout au long de sa vie. « Cher Gordon, écrivit-il, j’ai reçu ta dernière lettre. Je n’ai qu’un conseil à te donner. » Après quoi il écrivit les six mots qui allaient ajouter du poids aux cinq premiers : « Oublie-toi et mets-toi au travail21. » Ce conseil faisait écho à un passage des Écritures que frère Hinckley avait lu avec son collègue le matin-même : « Celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de la bonne nouvelle la sauvera » (Marc 8:35).
La lettre de son père en main, le jeune missionnaire se mit à genoux et fit la promesse de se dévouer au Seigneur. L’effet en fut presque immédiat. Il a raconté : « Le monde entier a changé. Le brouillard s’est levé. Le soleil a commencé à briller dans ma vie. J’ai eu un nouvel intérêt. J’ai vu la beauté de ce pays. J’ai vu la grandeur des gens. J’ai commencé à me sentir chez moi dans ce merveilleux pays22. »
En repensant à cette époque, Gordon expliqua qu’il avait aussi reçu de l’aide de sa mère. Il ressentait sa présence réconfortante, particulièrement dans les moments sombres et décourageants. Il a dit : « J’essayais alors, tout comme je le fais depuis, de me comporter et d’accomplir mon devoir d’une manière qui fasse honneur à son nom. L’idée que je puisse décevoir ma mère par mon comportement m’est pénible. Cela m’a fourni la discipline qui m’aurait peut-être manqué sans cela23. »
Il devint un missionnaire déterminé et plein de zèle. Les rapports des huit premiers mois de sa mission montrent que bien qu’il n’ait baptisé personne, il avait distribué 8 785 prospectus, passé plus de 440 heures avec les membres, participé à 191 réunions, à 220 conversations sur l’Évangile et confirmé une personne24.
En mars 1934, frère Hinckley quitta Preston et fut muté à Londres, où il devint l’assistant de Joseph F. Merrill, du Collège des douze apôtres, qui présidait les missions britannique et européenne25. Il y passa le reste de sa mission, travaillant au bureau la journée et enseignant l’Évangile le soir. Il baptisa peu de personnes mais, dans le cœur du fils de Bryant et Ada Hinckley, l’étincelle de la conversion se transforma en une flamme inextinguible.
Une nouvelle occasion de servir le Seigneur
Après son retour de mission, Gordon dit : « Je ne veux plus jamais voyager. J’ai assez voyagé pour toute une vie26. » En compagnie de deux de ses collègues missionnaires, il avait visité l’Europe et l’Amérique avant de rentrer, comme le faisaient beaucoup de missionnaires à l’époque, et il était fatigué. Lorsque sa famille partit en vacances peu de temps après son retour, il resta à la maison. Bien que l’ayant épuisé, ses voyages, à la réflexion, lui avaient procuré une certaine satisfaction : il avait l’impression d’avoir vu s’accomplir une partie de sa bénédiction patriarcale. De nombreuses années plus tard, il dit :
« Dans ma prime jeunesse, j’ai reçu ma bénédiction patriarcale. Elle disait que j’élèverais la voix pour témoigner de la vérité dans les pays de la terre. J’ai œuvré à Londres pendant longtemps et j’y ai rendu témoignage de nombreuses fois. Nous [nous sommes rendus à Amsterdam] et j’ai eu l’occasion de dire quelques mots au cours d’une réunion et de rendre témoignage. Puis nous sommes allés à Berlin, où j’ai eu la même occasion. Puis à Paris, où j’ai eu la même occasion. Ensuite aux États-Unis, à Washington D.C., un dimanche où nous étions là-bas, j’ai aussi eu cette occasion. Quand je suis rentré chez moi, j’étais fatigué. […] J’ai dit : ‘… Cette partie de ma bénédiction est terminée. J’ai élevé la voix dans les grandes capitales du monde.’ […] Et je pensais vraiment que c’était le cas27. »
Il restait à Gordon encore une tâche à accomplir avant de pouvoir considérer son service missionnaire comme terminé. Joseph F. Merrill lui avait demandé de prendre rendez-vous avec la Première Présidence de l’Église pour faire rapport des besoins des missions britannique et européenne. Le matin du 20 août 1935, moins d’un mois après son retour à la maison, Gordon était introduit dans la salle du conseil du bâtiment administratif de l’Église. Alors qu’il serrait la main de Heber J. Grant, J. Reuben Clark fils et David O. McKay, membres de la Première Présidence, il se sentit soudain dépassé par la tâche qui lui avait été confiée. Le président Grant lui dit : « Frère Hinckley, vous avez quinze minutes pour nous dire ce que frère Merrill veut que nous sachions28. »
Pendant les quinze minutes qui suivirent, le jeune homme tout juste rentré de mission présenta les préoccupations de frère Merrill, expliquant que les missionnaires avaient besoin de recevoir de la documentation écrite plus adaptée pour les aider dans leur travail. En réponse, le président Grant et ses conseillers lui posèrent question sur question et la réunion dépassa d’une heure le temps prévu.
En quittant la réunion pour rentrer chez lui, Gordon n’avait aucune idée de l’influence que ces soixante-quinze minutes allaient avoir sur sa vie. Deux jours plus tard, il recevait un coup de téléphone du président McKay, qui lui offrait un travail de secrétaire exécutif du nouveau Comité de radio, de publicité et de documentation missionnaire de l’Église. Ce comité, composé de six membres du Collège des Douze, travaillerait à répondre aux besoins soulignés par Gordon lors de sa réunion avec la Première Présidence29.
Encore une fois, Gordon remit à plus tard son projet de continuer des études supérieures et de faire carrière dans le journalisme. Il se mit à écrire des scripts d’émissions de radio et de diaporamas et à rédiger des brochures pour les missionnaires. Il travailla à établir des relations professionnelles avec les médias naissants et à effectuer des recherches sur l’histoire de l’Église et à la rédiger. Il contribua à élaborer des messages destinés à édifier la foi des membres de l’Église et à communiquer avec les gens en dehors de l’Église. Il reçut un jour une lettre d’un ami qui le complimentait sur un script radio et lui demandait comment il avait acquis un tel don pour l’écriture et la parole. Gordon répondit :
« Si j’ai un quelconque talent pour la parole ou l’écriture, j’en suis très reconnaissant à mon Père céleste. À mon avis, cela vient peu de mon aptitude naturelle. Si j’ai de l’adresse dans ce domaine elle est le résultat des occasions qui m’ont été offertes30. »
Son travail avec le comité permit à Gordon de cultiver ses talents d’écrivain. Cela lui offrit aussi l’occasion précieuse d’être instruit par des apôtres et des prophètes. En observant les six membres des Douze étudier leurs décisions et s’instruire les uns les autres, il comprit mieux l’appel sacré de ces divers hommes et le processus de révélation qui se produisait lorsqu’ils tenaient conseil.
Stephen L. Richards, qui fut plus tard premier conseiller dans la Première Présidence, était le président du comité. Gordon le décrivit comme un homme « réfléchi, volontaire, prudent et sage ». Il ajouta : « Il ne prenait pas de décisions précipitées mais analysait chaque situation avec précaution avant d’agir. Il m’a appris qu’il est préférable d’agir avec prudence dans cette œuvre, car les conséquences de chaque décision ont des répercussions lointaines et affectent la vie de beaucoup31. »
Les cinq autres membres du comité étaient Melvin J. Ballard, John A. Widtsoe, Charles A. Callis, Alonzo A. Hinckley (oncle de Gordon) et Albert E. Bowen. À propos de ces hommes, Gordon dit :
« Je me suis entendu à merveille avec ces grands hommes qui étaient très bons envers moi. Mais j’ai appris qu’ils étaient des hommes. Ils avaient des faiblesses et des problèmes, mais cela ne me dérangeait pas. En fait, cela a renforcé mon estime pour eux car j’ai vu émerger de leur état charnel une part de divin, ou du moins la manifestation de leur consécration à une cause extraordinaire qui occupait la première place dans leur vie. J’ai vu l’inspiration agir dans leur vie. Je n’avais aucun doute sur leur appel de prophètes ou sur le fait que Dieu parlait et agissait à travers eux. J’ai vu leur côté humain, leurs petites manies ; et ils en avaient tous quelques-unes. Mais j’ai aussi vu la force considérable et prédominante de leur foi et de leur amour pour le Seigneur, ainsi que leur loyauté absolue envers l’œuvre et envers la confiance placée en eux32. »
Mariage, famille et service dans l’Église
Gordon n’avait évidemment pas que le travail à l’esprit. Après son retour d’Angleterre, il continua à fréquenter Marjorie Pay. Son départ avait été aussi difficile pour Marjorie que pour lui. Elle raconta plus tard : « Malgré mon désir qu’il accomplisse une mission, je n’oublierai jamais la sensation de vide et de solitude que j’ai éprouvée lorsque le train s’est éloigné de la gare33. »
Quatre ans avant le départ de Gordon pour l’Angleterre, à l’automne 1929, Marjorie s’était inscrite à l’Université d’Utah, juste avant d’apprendre que son père avait perdu son travail à cause de la Grande Dépression. Elle interrompit immédiatement ses études et trouva un travail de secrétaire pour aider à soutenir financièrement ses parents et ses cinq jeunes frères et sœurs, ce qu’elle continua de faire après le retour de Gordon en 1935. Elle n’eut jamais à nouveau l’occasion de poursuivre ses études, mais elle était déterminée à continuer d’apprendre, et elle s’instruisit en lisant.
Son caractère joyeux, son goût du travail et son profond engagement envers l’Évangile suscitèrent l’attachement de Gordon. Marjorie, quant à elle, fut conquise par la bonté et la foi de ce dernier. Elle a raconté : « Lorsque nous avons été prêts à nous marier, je savais sans l’ombre d’un doute que Gordon m’aimait. Mais je savais aussi qu’il ne me mettrait jamais en premier dans sa vie. Je savais que je serais à la seconde place et que le Seigneur serait à la première. Et ça me convenait. » Elle ajoutait : « Je pensais que si l’on comprenait l’Évangile et la raison de notre vie ici-bas, on aurait intérêt à vouloir un mari qui met le Seigneur en premier. Je me sentais en paix car je savais que c’était le genre d’homme qu’il était34. »
Gordon et Marjorie se marièrent le 29 avril 1937 au temple de Salt Lake City et emménagèrent dans la maison d’été des Hinckley, à East Mill Creek. Ils installèrent un fourneau et firent d’autres rénovations nécessaires pour pouvoir y vivre toute l’année. Ils s’occupèrent des vergers et des jardins et commencèrent à construire leur propre maison sur une parcelle voisine. Ainsi le milieu rural que Gordon avait aimé pendant les étés de son enfance devint l’endroit où Marjorie et lui allaient s’installer et élever leurs enfants, Kathleen, Richard, Virginia, Clark et Jane.
Gordon et Marjorie édifièrent un foyer fondé sur l’amour, le respect mutuel, le travail et la pratique de l’Évangile. Les prières quotidiennes en famille donnaient aux enfants l’occasion de voir la foi et l’amour de leurs parents. Lorsqu’ils priaient ensemble en famille, les enfants ressentaient aussi la proximité de leur Père céleste.
Chez les Hinckley, il y avait peu de règles, mais les attentes étaient élevées. Marjorie parlait de choses au sujet desquelles il ne valait pas la peine qu’on se dispute. Elle dit en décrivant la méthode qu’elle et son mari avaient adoptée pour l’éducation de leurs enfants : « L’expérience m’a montré qu’il fallait que je fasse confiance à mes enfants, alors j’ai essayé de ne jamais dire non s’il y avait un moyen de dire oui. Notre objectif, tandis que nous élevions nos enfants, était d’arriver au bout de la journée en nous étant un peu amusés. Comme je voyais que je n’allais de toute façon pas pouvoir prendre toutes les décisions pour mes enfants, j’ai essayé de ne pas me préoccuper des petites choses35. » Grâce à la confiance de leurs parents, les enfants se sentirent respectés et acquirent de l’expérience et de l’assurance. Et lorsque la réponse était non, les enfants comprenaient que ce n’était pas une interdiction arbitraire.
La maison des Hinckley était aussi remplie de rires. Marjorie dit un jour : « La seule façon de faire son chemin dans la vie c’est de la traverser en riant. On peut soit rire, soit pleurer. Je préfère rire. Quand je pleure, j’ai mal à la tête36. » Avec des parents qui savaient rire d’eux-mêmes et prendre la vie avec humour, les enfants considéraient leur foyer comme un délicieux refuge.
Le service dans l’Église fit toujours partie de la vie de Gordon et Marjorie. Gordon fut d’abord surintendant de l’École du Dimanche de pieu, puis membre du comité général de l’École du Dimanche pendant neuf ans. Il fut ensuite conseiller dans la présidence de pieu, et président de pieu, pendant que Marjorie œuvrait à la Primaire, aux Jeunes Filles et à la Société de Secours. Les enfants apprirent par leur exemple qu’œuvrer dans l’Église était un privilège réjouissant, exemple qu’ils suivirent tous plus tard à l’âge adulte.
Des expériences professionnelles formatrices
Pendant les six premières années de son mariage, Gordon continua à travailler au Comité de radio, de publicité et de documentation missionnaire de l’Église. Il était dévoué à son travail, et ses projets et échéances l’amenèrent souvent jusqu’à la limite et même au-delà de ses capacités et de son savoir-faire. Dans une lettre adressée à un ami, il écrivit :
« Beaucoup de choses à faire. Le travail de ce comité au nom interminable ne cesse de s’étendre et de devenir plus compliqué et plus intéressant. […]
« La radio, les films et les écrits en tous genres […] me forcent à rester à genoux, humble, et au travail pendant de longues heures. […] Tout cela a servi à me rendre plus dépendant de mes lunettes, […] un peu plus voûté des épaules, un peu plus patient et un peu plus perplexe quant à la direction où tout cela nous mène37. »
Au début des années 1940, la Deuxième Guerre mondiale entraîna un changement d’emploi pour Gordon. L’œuvre missionnaire à plein temps s’interrompit presque entièrement à cause de la guerre, et son travail de diffusion de documentation missionnaire devint moins pressant. Éprouvant la responsabilité de contribuer à l’effort de guerre, il postula dans une école de candidats officiers de la marine américaine. Mais il fut reconnu inapte du fait de ses antécédents d’allergie. Il admit plus tard : « Ce refus m’a démoralisé. C’était la guerre, et tout le monde faisait quelque chose pour aider. Je sentais que je devais participer d’une façon ou d’une autre38. » Ce désir l’amena à présenter sa candidature pour un emploi de chef de service adjoint dans une société de chemin de fer appelée Denver and Rio Grande Railroad. Comme les trains étaient essentiels au déplacement des troupes et de leur approvisionnement pendant la guerre, Gordon pensait que ce travail lui permettrait de servir son pays. La société l’embaucha en 1943 et il travailla à la gare de dépôt de Salt Lake City jusqu’à ce qu’il soit muté avec sa famille à Denver (Colorado) en 1944.
Impressionnés par le travail de Gordon, ses supérieurs lui offrirent un poste permanent et une carrière professionnelle en apparence prometteuse à la fin de la guerre en 1945. Au même moment, Stephen L. Richards appelait Gordon et lui demandait de revenir travailler à plein temps pour l’Église. Bien que la société de chemin de fer offrît un salaire nettement plus élevé que l’Église, Gordon suivit son cœur et retourna à Salt Lake City39.
Les nouvelles responsabilités professionnelles de Gordon au siège de l’Église s’élargirent. En 1951, il fut nommé secrétaire exécutif du comité général missionnaire de l’Église et chargé de superviser le fonctionnement quotidien du département missionnaire nouvellement créé. Ce département dirigeait tout ce qui avait trait à la proclamation de l’Évangile, notamment la production, la traduction et la distribution de la documentation utilisée par les missionnaires, la formation des missionnaires et des présidents de mission, et les dispositifs de relations publiques utilisés pour édifier des ponts et dissiper les idées fausses sur l’Église40.
En octobre 1953, David O. McKay convoqua Gordon dans son bureau et lui demanda d’examiner un sujet qui n’était pas directement lié à ses responsabilités au département missionnaire. « Frère Hinckley », dit-il pour commencer, « vous savez que nous sommes en train de construire un temple en Suisse, et il sera différent de nos autres temples parce qu’il devra accueillir des membres de plusieurs langues. Je voudrais que vous trouviez un moyen de donner l’enseignement du temple dans plusieurs langues européennes en utilisant le moins de servants possibles dans le temple41. »
Le président McKay offrit à Gordon un lieu où il pouvait chercher l’inspiration et échapper aux exigences de sa charge de travail au département missionnaire. Les soirs de semaine, le samedi et quelques dimanches, Gordon travaillait dans une petite pièce au cinquième étage du temple de Salt Lake City. De nombreuses fois, le président McKay se joignit à lui le dimanche matin pour échanger des idées, étudier attentivement la présentation de la dotation et prier pour être guidés.
Après y avoir réfléchi, avoir prié et recherché l’inspiration, Gordon suggéra de filmer la présentation de la dotation, et de faire un doublage audio des paroles de cet enseignement sacré dans plusieurs langues. Le président McKay approuva sa proposition et le chargea de réaliser le film. Gordon travailla avec une équipe de professionnels talentueux et fidèles qui termina le projet en septembre 1955. Puis il transporta lui-même les films au temple de Berne (Suisse) et dirigea les préparatifs techniques pour les premières sessions de dotation42.
Gordon fut touché de voir son travail apporter de la joie aux saints d’Europe : « En voyant ces personnes rassemblées de dix pays pour participer aux ordonnances du temple, en voyant des personnes âgées venues de l’autre côté du Rideau de fer, qui avaient perdu leur famille dans les guerres qui avaient déferlé sur elles, en assistant aux manifestations de joie et aux larmes de bonheur qui venaient de leur cœur en raison des possibilités qui leur étaient offertes, en voyant les jeunes couples accompagnés de leurs beaux enfants éveillés, oui, en voyant ces familles unies par des liens éternels, j’ai su de manière encore plus certaine qu’avant, que [le président McKay] avait été inspiré et guidé par le Seigneur pour apporter ces bénédictions aux hommes et femmes pleins de foi de ces pays d’Europe43. »
Vingt ans s’étaient écoulés depuis le retour de mission de Gordon et il n’avait pas pu réaliser son rêve de compléter sa formation universitaire et de devenir journaliste. Au lieu de cela, il avait appris à utiliser les nouvelles technologies pour répandre la parole de Dieu, avait établi des rapports positifs avec des membres d’autres confessions, étudié et rédigé des ouvrages sur l’histoire familiale et aidé à préparer la voie pour que des milliers de saints des derniers jours puissent recevoir les bénédictions du temple. Ces expériences allaient servir de fondation à l’œuvre qu’il allait accomplir jusqu’à la fin de sa vie.
Assistant du Collège des Douze
Le samedi 5 avril 1958, le téléphone sonna chez les Hinckley. Richard, le fils de Gordon et Marjorie, décrocha. Au bout du fil, l’interlocuteur ne se présenta pas, mais Richard reconnut la voix du président McKay et courut informer son père. Après une conversation brève avec le président McKay, Gordon prit une douche rapide, se changea et partit pour le bureau du président de l’Église. Ce n’était pas la première fois que le président McKay le chargeait d’une responsabilité et il s’attendait donc à ce qu’il lui demande de l’aide pour préparer quelque chose pour la session de conférence générale du lendemain. Il fut étonné d’apprendre que le président avait quelque chose d’autre en tête. Après un accueil amical, celui-ci lui demanda d’œuvrer en tant qu’assistant des Douze. Les frères qui occupaient ce poste, supprimé en 1976, étaient Autorités générales de l’Église. Gordon présidait le pieu de East Mill Creek lorsque le prophète lui lança l’appel.
Le lendemain, il fut soutenu pendant la conférence générale. Reconnaissant dans son premier discours de conférence qu’il se sentait « écrasé par un sentiment d’incompétence », il accepta cependant sa nouvelle responsabilité avec la foi et la vigueur qui le caractérisaient44.
En tant qu’assistant du Collège des douze apôtres, frère Hinckley fut chargé de superviser l’œuvre de l’Église dans toute l’Asie. Il ne savait pratiquement rien des habitants de ce continent et ne parlait aucune de leurs langues, mais il les aima et ils l’aimèrent aussi. Kenji Tanaka, membre japonais de l’Église, raconte la première réunion de frère Hinckley au Japon : « On pouvait voir l’enthousiasme dans les yeux pétillants de frère Hinckley. Son premier mot a été : Subarashii ! [‘C’est merveilleux !’] L’atmosphère de cette réunion est passée de figée et formelle à amicale et intime et une sensation de chaleur s’est imposée45.
C’est la sensation qu’il communiquait partout où il se rendait en Asie. Il aida les membres à voir qu’ils pouvaient accomplir de grandes choses et aider l’Église à grandir dans leurs pays s’ils avaient foi au Seigneur. Il établit aussi des liens étroits avec les missionnaires à plein temps, sachant que leur diligence aurait un impact direct sur les gens qu’ils servaient.
Témoin spécial du nom du Christ
Le 30 septembre 1961, encore une fois un samedi, un coup de téléphone vint à nouveau annoncer un changement marquant dans la vie de Gordon B. Hinckley. Cette fois, ce fut Marjorie qui entendit la voix familière du président McKay au téléphone. Gordon B. Hinckley s’empressa encore une fois de se rendre au bureau du président de l’Église. Il fut de nouveau surpris d’apprendre la raison de sa visite. Lorsqu’il arriva, il entendit le président McKay lui dire : « J’ai senti que je devais vous nommer pour remplir le poste vacant au Collège des douze apôtres, et nous voudrions vous soutenir aujourd’hui pendant la conférence46. » Une fois de plus, frère Hinckley alla de l’avant avec foi et enthousiasme, malgré les sentiments d’incompétence qu’il éprouvait.
Devenu apôtre, il reçut de nouvelles responsabilités. Il rencontra parfois des dirigeants politiques et d’autres dignitaires. On lui demanda souvent de s’exprimer publiquement au nom de l’Église afin de répondre aux critiques et de commenter l’agitation culturelle aux États-Unis. Il fut aux premières lignes des efforts pour renforcer les capacités de radiodiffusion de l’Église et l’utilisation de la technologie dans la propagation de l’Évangile dans le monde entier. Malgré ses responsabilités grandissantes, il ne perdit jamais de vue son devoir de renforcer la foi des personnes et des familles de façon individuelle. Qu’il s’adresse à une seule personne ou à des dizaines de milliers, il avait un don spécial, devenu emblématique de son ministère, pour toucher les gens de façon personnelle et les amener, un par un, au Christ.
Il continua de superviser l’œuvre en Asie pendant les sept années suivantes et se réjouit de voir la progression de ses amis dans cette région. Il fit la remarque suivante : « Il est inspirant […] d’observer la manière par laquelle le Seigneur tisse la tapisserie de son grand dessein dans cette […] partie de la terre47. »
Lorsque les responsabilités changaient dans le Collège des Douze, frère Hinckley avait l’occasion d’œuvrer dans d’autres parties du monde. Partout où il allait, il montrait son intérêt pour chaque personne. En 1970, tandis qu’il supervisait l’œuvre de l’Église en Amérique du Sud, il se rendit au Chili après avoir présidé une conférence de pieu au Pérou. Deux jours après son arrivée au Chili, il apprit qu’un tremblement de terre avait frappé le Pérou et que quatre missionnaires étaient toujours portés disparus. Il décida immédiatement de retourner au Pérou bien que cela doive retarder son retour chez lui. « Je ne peux pas, en toute bonne conscience, rentrer chez moi alors que ces missionnaires manquent à l’appel », dit-il48.
Il arriva à Lima le lendemain matin. Lorsque les missionnaires trouvèrent un opérateur radio amateur, ils purent appeler Lima et frère Hinckley parla avec eux. Les missionnaires se trouvaient dans une petite salle avec d’autres survivants et leurs conversations étaient transmises par haut-parleur. « Lorsque la voix de frère Hinckley sortit du haut-parleur dans la pièce bondée de personnes réclamant toutes de pouvoir utiliser la radio, le silence tomba immédiatement sur la pièce. Il parlait en anglais alors que le reste de ces gens parlaient l’espagnol mais ils commencèrent à chuchoter entre eux et à demander : ‘Qui est cet homme ?’ Malgré le chaos, on pouvait sentir que cette voix n’appartenait pas à un homme ordinaire49. »
Pendant les deux années où il supervisa l’œuvre de l’Église en Amérique du Sud, frère Hinckley visita chaque mission, créa de nouvelles missions en Colombie et en Équateur, participa à la création de nouveaux pieux à Lima (Pérou) et à São Paulo (Brésil) et aida à résoudre des problèmes de blocage de visa pour les missionnaires appelés en Argentine. Il avait encore d’autres projets lorsqu’en mai 1971, on lui confia la supervision de huit missions en Europe50.
Frère Hinckley ressentait souvent la fatigue due à son emploi du temps surchargé. Il était toujours heureux de rentrer chez lui et de passer du temps avec Marjorie et les enfants. Mais Marjorie voyait bien que, lorsqu’il restait trop longtemps loin du travail, il commençait à s’agiter. Son appel d’apôtre, l’un des « témoins spéciaux du nom du Christ dans le monde entier » (D&A 107:23) ne quittait jamais son esprit.
De lourdes responsabilités dans son appel de conseiller dans la Première Présidence
Le 15 juillet 1981, alors qu’il œuvrait dans le Collège des Douze depuis près de vingt ans, frère Hinckley reçut un autre coup de fil surprenant. Spencer W. Kimball, président de l’Église, lui demandait de faire partie de la Première Présidence comme conseiller avec N. Eldon Tanner et Marion G. Romney. C’était un changement inhabituel, mais pas sans précédent, par rapport à la présidence traditionnelle avec deux conseillers. Le président Kimball et ses conseillers souffraient de problèmes de santé et avaient besoin de davantage de soutien pour la Présidence51.
Au cours de la conférence générale où il fut appelé, le président Hinckley déclara : « J’ai pour seul désir d’exercer loyalement mes fonctions partout où je serai appelé. […] Cet appel sacré m’a rendu conscient de mes faiblesses. S’il m’est arrivé d’offenser quelqu’un, je lui demande pardon et j’espère qu’il me pardonnera. Que cette affectation soit longue ou brève, je m’engage à faire de mon mieux, avec amour et foi52. »
Tous ses efforts s’avérèrent nécessaires du fait que la santé des présidents Kimball, Tanner et Romney déclinait. Il dut assumer la plupart du travail quotidien de la Première Présidence. Il endossa aussi une grande part de responsabilité dans des tâches plus vastes, comme la consécration du temple de Jordan River en Utah. De plus, il dut faire face aux critiques ouvertes contre l’Église et ses dirigeants, passés et actuels. À la conférence générale d’avril 1982, il lança cette exhortation :
« Nous vivons dans une société qui se nourrit de critiques. […] Je vous exhorte à voir plus large et à cesser de vous soucier des petites imperfections. […] [Elles] ne sont que [fortuites] comparées à l’importance [du service des dirigeants de l’Église] et à la grandeur de leurs contributions53. »
Le président Tanner décéda le 27 novembre 1982 et la santé des présidents Kimball et Romney se détériora au point que le président Hinckley, qui avait été appelé depuis comme deuxième conseiller dans la Première Présidence, se trouva assis sur l’estrade, près de deux fauteuils vides à la conférence générale d’avril 1983. De manière très intime, il ressentit ce qu’il avait un jour décrit comme « la solitude du dirigeant54 ».
Frère Hinckley agit avec circonspection et en s’aidant de la prière, ne voulant pas outrepasser l’autorité du prophète. Il fit appel aux doyens des Douze, en particulier Ezra Taft Benson, le président du collège, pour l’aider à gérer les affaires quotidiennes de l’Église. Il travailla main dans la main avec le Collège des douze apôtres, toujours guidé par les avis du président Kimball. Néanmoins, la charge lui semblait lourde à porter.
La plupart du temps, bien qu’occupé à Salt Lake City par ses responsabilités dans la Première Présidence, il se rendait occasionnellement pour œuvrer auprès des membres et des missionnaires dans d’autres parties du monde. En 1984, il retourna aux Philippines. Dix-huit ans plus tôt, il y avait consacré la première église ; maintenant il allait consacrer le premier temple. Dans la prière de consécration, il dit :
« Cette nation des Philippines est composée de nombreuses îles, dont les habitants aiment la liberté et la vérité. Leur cœur est sensible au témoignage de tes serviteurs et ils sont réceptifs au message de l’Évangile éternel. Nous te remercions pour leur foi. Nous te remercions pour leur esprit de sacrifice. Nous te remercions pour la manière miraculeuse dont ton œuvre a progressé dans ce pays55. »
La progression continue de l’Église fut évidente en juin 1984, lorsqu’au nom de la Première Présidence, le président Hinckley annonça l’appel de présidences d’interrégion. Ces présidences constituées de membres des soixante-dix seraient basées partout dans le monde et superviseraient l’œuvre de l’Église dans les régions géographiques auxquelles elles étaient affectées. Sous la direction de la Première Présidence et du Collège des Douze, ces frères fourniraient une grande part du travail de direction et de formation nécessaire dans leur région. « Nous ne pouvons pas prendre toutes les décisions à Salt Lake City, dit-il. Nous devons trouver un moyen de décentraliser l’autorité56. » Environ un an plus tard, le président Hinckley dit, en s’adressant aux dirigeants de l’Église partout dans le monde : « Je suis certain que ce que nous avons fait ces derniers mois est quelque chose d’inspiré et un énorme pas en avant. Je suis certain que la présence fréquente de ces hommes bons parmi vous est une grande source d’assurance. En fait, ces frères unissent le corps de l’Église en un tout57. »
Après avoir guidé l’Église pendant douze années de croissance remarquable, Spencer W. Kimball décéda le 5 novembre 1985. Le doyen des apôtres, Ezra Taft Benson fut mis à part comme président de l’Église. Il demanda à Gordon B. Hinckley d’être le premier conseiller dans la Première Présidence et à Thomas S. Monson d’être le deuxième. Avec trois frères en bonne santé dans la Première Présidence, la charge du président Hinckley devint plus légère et il eut davantage d’occasions de rendre visite aux saints à travers le monde.
Quelques années plus tard, la santé du président Benson commença à se dégrader et les responsabilités quotidiennes de l’administration de l’Église tombèrent encore une fois sur les épaules du président Hinckley. Mais cette fois-ci, il n’était plus seul dans la Première Présidence. Avec vitalité et énergie, les présidents Hinckley et Monson maintinrent l’Église sur sa trajectoire, respectant constamment le rôle de prophète, voyant et révélateur du président Benson. Ils nouèrent une amitié et un partenariat solides et durables.
Le président Benson décéda le 30 mai 1994 et Howard W. Hunter devint président de l’Église. Gordon B. Hinckley et Thomas S. Monson furent à nouveau appelés comme conseillers dans la présidence. En juin, frère et sœur Hinckley accompagnèrent le président Hunter et son épouse Inis et M. Russell Ballard et son épouse Barbara à Nauvoo (Illinois) pour commémorer le cent cinquantième anniversaire du martyre de Joseph et Hyrum Smith. Cela allait être le seul voyage que le président Hunter et le président Hinckley feraient ensemble. Le président Hunter souffrait de problèmes de santé depuis des années. Après ce voyage, son état se dégrada rapidement. Le 27 février 1995, il demanda une bénédiction de la prêtrise au président Hinckley. Dans la bénédiction qu’il lui donna, celui-ci implora le Seigneur de permettre au président Hunter de continuer à vivre mais dit aussi qu’il était entre ses mains58. Quelques jours plus tard, le 3 mars 1995, le président Hunter décédait.
Prophète, voyant et révélateur, et président de l’Église
Le décès du président Hunter, bien que prévisible, fit peser un lourd fardeau sur les Hinckley. Étant doyen des apôtres, il revenait au président Hinckley de lui succéder à la présidence de l’Église. Sœur Hinckley se rappelait le moment où il reçurent l’annonce du décès du président Hunter : « Le président Hunter nous avait quittés et c’était à nous de poursuivre son œuvre. Je me sentais si triste et si seule. Gordon aussi. Il était tétanisé. Et il se sentait très, très seul. Personne sur terre ne pouvait comprendre ce qu’il traversait59. »
Après les funérailles du président Hunter, le président Hinckley trouva du réconfort dans le temple. Seul dans la salle de réunions de la Première Présidence et du Collège des Douze du temple de Salt Lake City, il se plongea dans la lecture et la méditation des Écritures. Il réfléchit à la vie, au ministère et à l’expiation de Jésus-Christ. Puis il se mit à examiner les portraits des présidents de l’Église accrochés aux murs, chaque prophète de Joseph Smith à Howard W. Hunter. Il a relaté cette expérience dans son journal :
« J’ai fait le tour de la pièce en observant ces portraits et en regardant les hommes représentés dans les yeux. Il me semblait presque que je pouvais leur parler. J’avais quasiment l’impression qu’ils me parlaient et me rassuraient. […] Je me suis assis sur le siège que j’avais occupé pendant que j’étais premier conseiller du président. J’ai passé un long moment à regarder ces portraits. Chacun d’eux semblait s’animer. Ils semblaient avoir les yeux posés sur moi. Je sentais qu’ils m’encourageaient et me promettaient leur soutien. J’avais l’impression de les entendre dire qu’ils avaient parlé en ma faveur lors d’un conseil dans les cieux, que je ne devais pas craindre, que je serais béni et soutenu dans mon ministère.
« Je me suis agenouillé et j’ai imploré le Seigneur. Je lui ai parlé longuement en prière. […] Je suis certain d’avoir entendu, par le pouvoir de l’Esprit, la voix du Seigneur, non pas avec mes oreilles, mais par un sentiment de chaleur dans mon cœur, répondant aux questions que j’avais posées dans la prière60. »
Après cette expérience, il écrivit à nouveau ses pensées : « Je me sens mieux et j’ai dans le cœur une assurance plus ferme que le Seigneur est en train d’accomplir sa volonté concernant sa cause et son royaume : que je serai soutenu comme président de l’Église et prophète, voyant et révélateur, et que je servirai aussi longtemps que le Seigneur le souhaitera. Le cœur rempli de cette confirmation, je suis prêt à aller de l’avant et à faire tout mon possible pour accomplir ma tâche. J’ai du mal à croire que le Seigneur me confie cette responsabilité si élevée et sacrée. […] J’espère qu’il m’a préparé à faire ce qu’il attend de moi. Je lui donnerai mon entière loyauté et chercherai immanquablement ses conseils61. »
Il fut mis à part comme président de l’Église le 12 mars 1995. Le lendemain, il prit la parole lors d’une conférence de presse et répondit aux questions des journalistes. Jeffrey R. Holland raconte : « À la fin d’un échange chaleureux, souvent plein d’humour et toujours persuasif au cours de cette conférence de presse où une grande variété de questions furent posées, un journaliste demanda au président Hinckley : ‘Sur quoi mettrez-vous l’accent ? Quel sera le thème majeur de votre ministère ?’
« Le prophète répondit instinctivement : ‘Poursuivre. Oui. Nous aurons toujours pour thème la poursuite de l’œuvre magnifique menée par nos prédécesseurs’62. »
Il resta fidèle à cet engagement. Respectueux des prophètes qui l’avaient précédé, il poursuivit leur œuvre. S’appuyant sur sa foi en Dieu le Père et en Jésus-Christ, il suivit la révélation pour accomplir cette œuvre d’une manière nouvelle.
Faire sortir l’Église de l’obscurité (D&A 1:30)
Au début du ministère du président Hinckley, Neal A. Maxwell, du Collège des Douze, fit cette remarque : « Le président Hinckley contribue à faire sortir l’Église de l’obscurité. L’Église ne peut pas aller de l’avant comme il se doit si nous sommes cachés sous un boisseau. Quelqu’un doit oser faire le pas et le président Hinckley est prêt à le faire. C’est un homme qui sait concilier le passé avec une vision moderne et une merveilleuse capacité de s’exprimer qui lui permettent de présenter notre message d’une manière qui intéresse les gens de partout63. »
Sa grande expérience des médias et de la diffusion contribua à le préparer pour cet effort. Dans son rôle de président de l’Église, il accordait fréquemment des interviews à des journalistes partout dans le monde. Il répondait à leurs questions sur la doctrine et les règles de l’Église et rendait témoignage du Sauveur et de l’Évangile rétabli. À chaque occasion, l’Église était mieux comprise et de nouvelles amitiés étaient forgées.
On se souviendra particulièrement d’une interview qu’il accorda en 1996 à Mike Wallace, journaliste chevronné, dans l’émission télévisée 60 Minutes. M. Wallace avait la réputation d’être un hôte impitoyable et le président Hinckley admit avoir initialement eu quelques inquiétudes avant que l’émission ne soit diffusée à la télévision nationale aux États-Unis. « Si elle s’avère favorable, j’en serai reconnaissant, dit-il. Sinon, je m’engage à ne plus jamais me laisser prendre à ce genre de piège64. »
L’interview, favorable, présentait de nombreux aspects positifs de l’Église. Autre conséquence favorable, Mike Wallace et le président Hinckley devinrent amis.
En 2002, la ville de Salt Lake City accueillit les Jeux Olympiques d’hiver, ce qui propulsa l’Église sous le feu des projecteurs dans le monde entier. Le président Hinckley et ses conseillers furent consultés au sujet de certains aspects des préparatifs. Il raconta : « Nous avons pris la décision délibérée de ne pas nous servir de ce moment et de ce lieu pour faire du prosélytisme, mais nous étions certains que cet événement important aurait des retombées extraordinaires pour l’Église65. » Il avait raison. Des dizaines de milliers de personnes visitèrent la vallée du lac Salé et furent accueillies par des hôtes courtois, membres et non-membres œuvrant ensemble à faire de ces Jeux Olympiques un succès. Ces visiteurs se promenèrent dans Temple Square, écoutèrent le Chœur du Tabernacle et visitèrent la bibliothèque d’histoire familiale. Des milliards de personnes virent le temple de Salt Lake City à la télévision et entendirent les journalistes présenter l’Église de manière positive. Comme le président Hinckley l’avait dit, cet événement eut « des retombées extraordinaires pour l’Église ».
En plus d’utiliser les moyens de communication qui existaient déjà, le président Hinckley embrassa les innovations. Par exemple, il vit dans l’internet un moyen d’amener l’Église au plus près des membres et de faire connaître l’Évangile rétabli aux personnes d’autres confessions. Pendant sa présidence, l’Église lança les sites LDS.org, FamilySearch.org et Mormon.org.
Le 23 juillet 2004, jour de son quatre-vingt-quatorzième anniversaire, il reçut la médaille présidentielle de la liberté, la plus haute distinction civile décernée aux États-Unis. En remerciement il dit : « C’est un grand honneur pour moi de recevoir cette distinction prestigieuse du président des États-Unis. Je suis profondément reconnaissant. D’un point de vue plus large, cette récompense est une distinction et un honneur pour l’Église qui m’a ouvert tant d’horizons et dont j’ai essayé de servir les intérêts66. » Il voyait cette distinction comme un symbole de la renommée croissante de l’Église et la preuve qu’elle était effectivement en train de sortir de l’obscurité.
Voyages parmi les saints des derniers jours
Les rigueurs des déplacements déplaisaient au président Hinckley mais son désir d’œuvrer parmi les saints était plus fort que son souhait de rester chez lui. Il déclara qu’il désirait « aller parmi [le peuple de l’Église] pour lui faire part de [son] appréciation et l’encourager et pour rendre témoignage de la divinité de l’œuvre du Seigneur67 ». Dans les premiers temps de sa présidence, il avait déclaré : « Pendant que j’en ai la force, je suis décidé à aller à la rencontre des gens ici et à l’étranger. […] J’ai l’intention de rester en mouvement aussi longtemps que je le peux. Je souhaite passer du temps avec les gens que j’aime68. »
Pendant qu’il était président de l’Église, il voyagea énormément aux États-Unis et effectua plus de quatre-vingt-dix visites dans d’autres pays du monde. Au total, il parcourut plus de de 1,6 millions de kilomètres pendant qu’il était président de l’Église, rendant visite aux saints dans toutes les régions du monde69.
Dans certaines régions, les membres devaient fournir un effort encore plus considérable que le sien pour venir le voir. Par exemple, en 1996, frère et sœur Hinckley se rendirent aux Philippines où l’Église comptait à présent 375 000 membres. Il était prévu que frère et sœur Hinckley prennent la parole en soirée lors d’une réunion à l’Araneta Coliseum de Manille. En milieu d’après-midi ce jour là, le stade était plus que comble. Les files d’attente avaient commencé à se former à sept heures du matin, pour une réunion qui devait avoir lieu douze heures plus tard. Le chiffre officiel donné plus tard indiquait que près de 35 000 membres s’étaient amassés dans le colisée remplissant les 25 000 sièges, les couloirs et les allées. Nombre de ces saints avaient voyagé vingt heures par bateau et par bus pour arriver à Manille. Pour certains, le coût du voyage correspondait à plusieurs mois de salaire. […]
« Lorsque le président Hinckley apprit que le stade était plein et que le responsable du bâtiment demandait s’ils pouvaient commencer la réunion en avance, il répondit immédiatement : ‘Allons-y.’ Frère et sœur Hinckley entrèrent dans l’immense stade. Comme s’ils s’étaient concertés, les membres de l’assemblée se levèrent spontanément, applaudirent puis commencèrent à chanter avec émotion : ‘Seigneur, merci pour le prophète’70. »
Sachant que ses frères et lui ne pouvaient se rendre partout où ils souhaitaient aller, le président Hinckley encouragea l’utilisation de la technologie pour instruire les dirigeants partout dans le monde. À partir de janvier 2003, il présida à l’aide de la technologie satellite, des réunions mondiales de formation des dirigeants télédiffusées.
Insistance sur l’importance d’apprendre et d’enseigner les vérités spirituelles et profanes
Le président Hinckey a déclaré : « Aucun de nous n’en sait assez. On n’a jamais fini d’apprendre. Nous devons lire, observer, assimiler et méditer sur ce à quoi nous exposons notre intellect71. » Il a aussi dit : « Un enseignement efficace est l’essence même de la manière de diriger dans l’Église. Les hommes et les femmes n’obtiendront la vie éternelle que lorsqu’ils seront instruits avec une efficacité telle qu’ils changeront et disciplineront leur vie. On ne peut les forcer à être justes ni à aller au ciel. Ils doivent être guidés et cela signifie instruits72. »
Le président Hinckley désirait fournir aux saints des derniers jours du monde entier davantage de nourriture spirituelle. En 1995, il approuva avec enthousiasme le projet de publier une nouvelle série de livres qui fourniraient aux membres de l’Église une bibliothèque de l’Évangile. L’Église commença rapidement à publier cette collection, appelée Enseignements des présidents de l’Église, dont ce livre fait partie.
L’apprentissage des sujets profanes était aussi important pour le président Hinckley. L’idée que des membres de l’Église de régions du monde frappées par la pauvreté ne pouvaient pas financer leurs études supérieures ou leur formation professionnelle l’inquiétait. Sans études ou formation, la plupart d’entre eux resteraient dans la pauvreté. À la session de la prêtrise de la conférence générale d’avril 2001, le président Hinckley annonça :
« Pour résoudre ce problème, nous proposons un plan, un plan que nous pensons inspiré du Seigneur. L’Église est en train de créer un fonds alimenté principalement par des contributions de saints des derniers jours fidèles versées dans ce but. Nous leur en sommes profondément reconnaissants. […] Nous l’appellerons le Fonds perpétuel d’études73. »
Le président Hinckley expliqua que les personnes qui bénéficieraient du programme recevraient un prêt, alimenté par les fonds donnés par les membres de l’Église pour les études ou la formation professionnelle. Après avoir terminé leurs études ou leur formation, ils devraient rembourser leur prêt afin que les fonds puissent être utilisés pour d’autres. Le président Hinckley expliqua aussi que le Fonds perpétuel d’études serait « basé sur des principes semblables à ceux du Fonds perpétuel d’émigration » que l’Église avait mis en place dans les années 1800 pour aider les saints dans le besoin à émigrer en Sion74.
En moins de six mois, les membres de l’Église avaient contribué à hauteur de plusieurs millions de dollars au Fonds perpétuel d’études75. Un an après avoir présenté le projet, le président Hinckley annonça : « Cette entreprise dispose d’une base solide. […] Des jeunes hommes et des jeunes femmes de régions défavorisées du monde, pour la plupart anciens missionnaires, pourront faire des études qui les sortiront de la pauvreté désespérante dont ont souffert leurs ancêtres pendant des générations76. » Ce programme continue d’être une bénédiction pour les membres, bénéficiaires ou donateurs.
Témoin du caractère sacré du mariage et de la famille
Lors de la réunion générale de la Société de Secours du 23 septembre 1995, le président Hinckley déclara :
« Avec tous les raisonnements spécieux qui sont présentés comme des vérités, avec toutes les tromperies sur les principes, avec toutes les incitations à nous laisser gagner peu à peu par la souillure du monde, nous nous sentons poussés à lancer un avertissement. Ainsi, nous, la Première Présidence et le Conseil des douze apôtres, nous adressons à l’Église et au monde une proclamation réaffirmant les principes, la doctrine et les pratiques relatifs à la famille que les prophètes, voyants et révélateurs de notre Église ont énoncés à maintes reprises tout au long de son histoire77. »
Sur quoi, il lut pour la première fois en public, « La famille : Déclaration au monde ».
Le caractère sacré du mariage et de la famille était un sujet récurrent dans les enseignements du président Hinckley. Il condamnait les sévices sous toutes leurs formes et recommandait aux parents et aux enfants d’être patients les uns envers les autres, de s’aimer, de s’instruire mutuellement et de se servir les uns les autres. Dans une lettre datée du 11 février 1999, le président et ses conseillers déclaraient :
« Nous demandons aux parents de consacrer tous leurs efforts à instruire et à élever leurs enfants selon les principes de l’Évangile, ce qui leur permettra de rester proches de l’Église. Le foyer est la base d’une vie juste et rien ne peut le remplacer ni remplir sa fonction essentielle pour s’acquitter de cette responsabilité donnée par Dieu.
« Nous recommandons aux parents et aux enfants d’accorder toute la priorité à la prière en famille, à la soirée familiale, à l’étude et à l’enseignement de l’Évangile et aux activités familiales saines. On ne doit pas permettre à d’autres impératifs ou activités, aussi légitimes et justifiés soient-ils, de prendre le pas sur les devoirs confiés par Dieu, dont seuls les parents et la famille peuvent s’acquitter correctement78. »
Main tendue aux nouveaux convertis
Le président Hinckley était heureux de voir le nombre de convertis augmenter dans l’Église mais il se souciait des personnes que ces chiffres représentaient. Peu de temps après sa prise de fonction, il dit :
« Les convertis étant de plus en plus nombreux, nous devons faire un effort de plus en plus important pour les aider à trouver leur voie. Chacun d’eux a besoin de trois choses : d’un ami, d’une responsabilité et d’être nourri ‘de la bonne parole de Dieu’ (Mro. 6:4). Nous avons l’occasion et le devoir de leur apporter ces choses79. »
Le renforcement des nouveaux convertis était un sujet récurrent pour le président Hinckley. Jeffrey R. Holland raconte cette anecdote dans laquelle le prophète soulignait ce sujet : « Récemment, il a dit aux Douze, une lueur dans les yeux et la main tapotant la table devant lui : ’Mes frères, lorsque ma vie sera finie et que mes funérailles auront été célébrées, je passerai vous voir avant de partir, je vous regarderai chacun dans les yeux et je vous demanderai : ‘Où en est-on avec le maintien des convertis dans l’Église80 ?’ »
La construction de temples
En 1910, lorsque le président Hinckley est né, il y avait quatre temples en service dans le monde, et ils étaient tous situés en Utah. En 1961, l’année où il a été ordonné apôtre, le nombre était passé à douze. C’était une progression importante, mais frère Hinckley déplorait souvent le fait que de nombreuses personnes dans le monde avaient peu accès aux bénédictions du temple. En 1973, alors qu’il était président du Comité du temple, il écrivit dans son journal : « L’Église pourrait construire [beaucoup de petits] temples avec le prix du temple de Washington [alors en construction]. On amènerait alors les temples près des membres, au lieu de leur faire parcourir de longues distances pour y aller81. »
Au moment de son soutien en tant que président de l’Église en 1995, le nombre de temples en service était passé à 47, mais son souhait d’en voir davantage persistait. Il dit : « J’ai depuis longtemps le désir profond d’avoir un temple partout où l’on en a besoin, pour que nos membres, où qu’ils soient, puissent, sans trop de sacrifices, se rendre à la maison du Seigneur pour leur propres ordonnances et pour accomplir l’œuvre par procuration pour les morts82. »
À la conférence générale d’octobre 1997, le président Hinckley fit une annonce historique : l’Église allait commencer à construire de plus petits temples dans le monde entier83. Il expliqua plus tard : « Le concept des petits temples est venu, je le crois, sous forme de révélation directe84. » En 1998, il annonça que trente nouveaux temples plus petits allaient s’ajouter aux temples déjà planifiés ou en cours de construction, ce qui ferait quarante-sept nouveaux temples en plus des ccinquante et un qui étaient alors en service. Au grand plaisir de son auditoire, le président Hinckley ajouta : « Je pense que nous ferions bien d’en ajouter deux pour arrondir le nombre de temples à cent pour la fin du siècle, soit 2000 ans ‘depuis l’avènement de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ dans la chair’ (D&A 20:1). » Puis il promit : « Il y en aura d’autres85 »
Le 1er octobre 2000, le président Hinckley consacra le temple de Boston (Massachusetts), centième temple en service. Avant la fin de l’année 2000, il en consacra deux de plus. À son décès en 2008, il y avait 124 temples en service et 13 autres en projet. Le président Hinckley avait joué un rôle dans la planification et la construction de la plupart d’entre eux et il en avait lui-même consacré 85 et reconsacré 13 (dont 8 qu’il avait déjà lui-même précédemment consacrés).
Le centre de conférence
À la conférence générale d’octobre 1995, le président Hinckley fit allusion à une idée qui était en train de mûrir dans sa tête. De la tribune du Tabernacle, à Temple Square, il dit : « Ce grand Tabernacle paraît plus petit d’année en année. Dans certaines conférences régionales, nous nous assemblons avec des groupes bien plus grands, réunis sous un seul toit86. » Pendant la conférence générale d’avril 1996, il en dit plus à ce sujet :
« Je regrette que beaucoup de personnes qui souhaitent se réunir avec nous dans le Tabernacle ce matin ne puissent pas entrer. Beaucoup de personnes sont dehors dans les jardins. Cette salle unique et merveilleuse, construite par nos ancêtres pionniers et consacrée au culte du Seigneur, accueille confortablement 6000 personnes. Certains d’entre vous qui sont assis sur ces bancs durs pendant deux heures remettront peut-être en question le terme confortablement.
« J’exprime ma sympathie à ceux qui souhaitent entrer et qui n’ont pas pu le faire. Il y a un an environ, j’ai suggéré aux Frères que le moment était venu d’étudier la possibilité de faire construire un autre bâtiment de culte beaucoup plus grand, qui pourrait accueillir entre trois et quatre fois plus de personnes que celui-ci87. »
Le 24 juillet 1997, jour du 150e anniversaire de l’arrivée des pionniers dans la vallée du lac Salé, commençait la construction des fondations de ce nouveau bâtiment, que l’on appellerait le centre de conférence, sur le terrain situé juste au nord de Temple Square. Moins de trois ans plus tard, en avril 2000, les premières sessions de conférence générale se tenaient dans le centre encore en travaux. Le président Hinckley consacra le centre de conférence lors de la conférence générale d’octobre 2000. Avant de prononcer la prière de consécration, il s’avança à la chaire sculptée dans un noyer noir de son jardin, et déclara :
« Aujourd’hui nous allons […] consacrer [ce bâtiment] où nous adorerons Dieu, le Père éternel, et son Fils unique, le Seigneur Jésus-Christ. Nous prions pour que le monde continue de recevoir, depuis cette chaire, des déclarations de témoignage et de doctrine, de foi au Dieu vivant et de gratitude pour le grand sacrifice expiatoire de notre Rédempteur88. »
Témoignage de Jésus-Christ
Le 1er janvier 2000, le président Hinckley, ses conseillers dans la Première Présidence et le Collège des douze apôtres publièrent une déclaration intitulée « Le Christ vivant : Le témoignage des apôtres ». Ils affirmaient : « Personne d’autre n’a eu une influence aussi grande que [le Sauveur] sur tous les gens qui ont vécu ou qui vivront un jour sur la terre89. »
Assurément, personne n’avait eu une influence plus grande dans la vie de Gordon B. Hinckley que Jésus-Christ. Depuis près de quarante-six ans, il était un témoin spécial de son nom. Quelques mois après avoir publié « Le Christ vivant », le président Hinckley se tint devant les membres de l’Église et déclara : « Ce matin, je suis surtout reconnaissant d’une chose. Il s’agit du témoignage de Jésus-Christ, le Fils du Dieu Tout-Puissant, le Prince de la Paix, le Saint de Dieu90. »
Épreuves et espoirs
À la fin de la conférence générale d’avril 2004, le président Hinckley dit : « Je vous demande, à contre-cœur, de m’accorder votre indulgence et de me permettre d’aborder un instant un sujet personnel. Certains d’entre vous ont remarqué l’absence de sœur Hinckley. C’est la première fois en quarante-six ans, depuis que je suis devenu Autorité générale, qu’elle n’assiste pas à la conférence générale. […] [En janvier, alors que nous étions] sur le chemin du retour [après un voyage en Afrique], sœur Hinckley s’est effondrée d’épuisement. Elle ne s’est pas remise depuis. […] Je suppose que l’horloge tourne et nous ne savons pas comment la remonter.
« Ce sont des moments difficiles pour moi. Cela fait soixante-sept ans ce mois-ci que nous sommes mariés. Elle est la mère de nos cinq enfants talentueux et capables, la grand-mère de nos vingt-cinq petits-enfants et d’un nombre croissant d’arrière-petits-enfants. Nous avons marché côte à côte pendant toutes ces années, en compagnons égaux dans les tempêtes et le beau temps. Elle a rendu partout son témoignage de cette œuvre, donnant de l’amour, des encouragements et de la foi partout où elle allait91. »
Deux jours plus tard, le 6 avril, Marjorie Pay Hinckley, décédait. Des millions de personnes, qui l’avaient aimée pour son grand cœur, sa vivacité d’esprit et sa foi inébranlable pleurèrent avec le président Hinckley. Il était reconnaissant des messages de soutien et d’amour qui avaient afflué du monde entier. Il dit : « Ces témoignages ont adouci notre peine et nous ont réconfortés92. » De nombreuses personnes ont fait des dons au Fonds perpétuel d’études au nom de sœur Hinckley.
Aussi difficile que fût la perte de Marjorie, le président Hinckley continua à œuvrer au service de l’Église, malgré un léger déclin de sa santé. Il commença à se servir une canne. Parfois, elle lui servait à s’appuyer dessus, mais le plus souvent il l’utilisait pour faire signe de la main aux membres de l’Église. Le président Monson a raconté une conversation qu’il a eue avec le médecin du président Hinckley qui s’inquiétait de la manière dont celui-ci utilisait, et n’utilisait pas, sa canne. Le médecin dit : « Nous ne voulons surtout pas qu’il tombe et se fracture le col du fémur, ou pire. Il la brandit au lieu de s’en servir pour marcher. Dites-lui que la canne lui a été prescrite par son médecin, et qu’il doit l’utiliser pour l’usage prévu. » Le président Monson a répondu : « Docteur, je suis le conseiller du président Hinckley. Vous êtes son médecin. Dites-le lui vous-même93 ! »
Au début de l’année 2006, à l’âge de 95 ans, le président Hinckley apprit qu’il était atteint d’un cancer. Durant la conférence générale d’octobre de cette année, il dit : « Le Seigneur m’a permis de vivre, je ne sais pas pour combien de temps encore mais quelle qu’en soit la durée, je continuerai de faire de mon mieux pour accomplir la tâche présente… Je me sens bien. Ma santé est raisonnablement bonne. Lorsque viendra l’heure de me remplacer, la transition se fera en douceur et sera conforme à sa volonté de celui dont c’est l’Église94. »
Un an plus tard, en octobre 2007, le président Hinckley termina sa dernière conférence générale en disant : « Nous nous faisons une joie de vous revoir en avril prochain. J’ai quatre-vingt-dix-sept ans mais j’espère que je serai encore là. Que les bénédictions des cieux soient sur vous jusque-là, c’est ma prière humble et sincère, au nom de notre Rédempteur, le Seigneur Jésus-Christ. Amen95. »
Virginia, la fille de frère et sœur Hinckley, a décrit les quatre années qui ont suivi le décès de sœur Hinckley comme « le couronnement » de la vie du président Hinckley. Puis elle a évoqué une prière qu’il avait faite le 20 janvier 2008, une semaine avant son décès, alors qu’il consacrait une chapelle rénovée à Salt Lake City :
« Dans cette prière, d’une manière très inhabituelle, il a plaidé sa cause devant le Seigneur en tant que prophète. Il l’a remercié en disant : ‘Depuis l’époque de Joseph Smith jusqu’à l’époque actuelle, tu as choisi et désigné un prophète pour ce peuple. Nous te remercions et te prions de le réconforter, de le soutenir et de le bénir selon ses besoins et tes grands desseins’96. »
Le jeudi 24 janvier 2008, le président Hinckley se sentit pour la première fois incapable de se joindre à ses frères pour leur réunion hebdomadaire dans le temple. Le dimanche suivant, 27 janvier, le président Monson, assisté des présidents Eyring et Packer, lui donna une bénédiction de la prêtrise. Plus tard dans la journée, le président Hinckley s’éteignit paisiblement chez lui entouré de ses cinq enfants et de leurs conjoints.
Quelques jours plus tard, des milliers de personnes lui rendirent hommage en défilant devant son cercueil lors d’une veillée funéraire ouverte au public dans le Hall des prophètes du centre de conférence. Des personnalités religieuses d’autres confessions ainsi que des personnalités du monde politique et des affaires envoyèrent également leurs condoléances et exprimèrent leur reconnaissance pour l’influence et les enseignements du président Hinckley.
Les funérailles eurent lieu dans le centre de conférence et furent diffusées par satellite dans les bâtiments de l’Église à travers le monde. Au cours de la réunion, le Chœur du Tabernacle chanta un nouveau cantique intitulé « Qu’est-ce que les hommes appellent la mort ? » Les paroles du cantique, écrites par le président Hinckley, tinrent lieu d’ultime témoignage de Jésus-Christ pour ses amis qui l’avaient tenu pour prophète :
Qu’est-ce les hommes appellent la mort,
Ce passage discret dans la nuit ?
Ce n’est pas la fin, mais la genèse
De mondes meilleurs et d’une lumière plus brillante.
Ô Dieu touche mon cœur douloureux,
Et apaise les craintes qui me hantent.
Que l’espoir et la foi, transcendants et purs,
Me donnent force et paix et vainquent mes larmes.
Il n’y a pas de mort, seulement un changement
Avec la récompense pour la victoire ;
Le don de Celui qui aima tous les hommes,
Le Fils de Dieu, le Très-Saint97.