La gratitude
L’engagement et la bonne volonté avec lesquelles nous servons sont le reflet direct de notre gratitude.
Dans ma jeunesse, la vie à la petite ferme de notre famille était un paradis. Souvent dans notre humble maison il n’y avait pas assez de tuiles pour couvrir le toit. Avec les toilettes situées loin à l’extérieur, il fallait être prévoyant, et quelquefois ma chemise usée avait plus de boutonnières que de boutons. Le bain du samedi soir devant le poële chaud où le corps faisait l’expérience des températures extrêmes, était un luxe.
Puis les choses ont changé. Je suis allé à l’école et j’ai commencé à découvrir chez les autres des biens que je ne connaissais pas. Certains avaient de beaux vêtements, de belles maisons avec toutes les commodités, et ils conduisaient des voitures plus récentes. Beaucoup de mes camarades n’étaient pas obligés de se lever tôt pour faire les travaux de la ferme avant d’aller à l’école, ni de recommencer, une fois rentrés à la maison le soir. Ils étaient populaires et sûrs d’eux, moi, je devenais introverti et timide. Hélas, je commençais à oublier combien j’avais été heureux de mes grandes bénédictions, en les comparant aux leurs qui me semblaient incommensurables. Ainsi j’oubliais d’être humble, ce qui déformait ma vision de la réalité, et je devenais ingrat. Attendre plus de bénédictions que nous n’en méritons, peut nous faire voir vide notre assiette abondamment garnie. La gratitude a beaucoup de visages et prend de nombreuses formes. Ne pas être reconnaissant au Seigneur de tout ce que nous avons nous rend bien vite égoïste.
Le Sauveur, qui donnait toujours, recevait pourtant rarement de la gratitude.
«Comme il [le Christ] entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre.
«Se tenant à distance, ils élevèrent la voix, et dirent: Jésus, maître, aie pitié de nous!
«Dès qu’il les eut vus, il leur dit: Allez vous montrer aux sacrificateurs. Et, pendant qu’ils y allaient, il arriva qu’ils furent guéris.
«L’un d’eux, se voyant guéri, revint sur ses pas, glorifiant Dieu à haute voix.
«Il tomba sur sa face aux pieds de Jésus, et lui rendit grâces. C’était un Samaritain.
«Jésus, prenant la parole, dit: Les dix n’ont-ils pas été guéris? Et les neuf autres, où sont-ils?»
La question du Sauveur, «Et les neuf autres, où sont-ils?» nous pousse à une profonde réflexion. Le président Hinckley, dans son discours d’introduction en avril dernier, a dit:
«Ainsi donc, mes frères et sœurs, réjouissons-nous ensemble pendant que nous célébrons avec reconnaissance les magnifiques enseignements et pratiques que le Seigneur nous a donnés en cette glorieuse époque de son œuvre … Soyons toujours reconnaissants de ces dons et droits précieux, et remplissons bien notre rôle de peuple qui aime le Seigneur.»
Malgré tous les «dons et droits précieux» dont parle notre prophète, nous oublions souvent de reconnaître nos abondantes bénédictions. Plus important encore, certains actes de gratitude restent en dessous de l’attente du Seigneur. «Et il n’est pas de chose où l’homme offense autant Dieu qu’en ne confessant pas sa main en toutes choses et en n’obéissant pas à ses commandements.»
La gratitude commence par l’attitude. Tandis qu’aux yeux de certains chaque pomme brille, pour d’autres les petites taches qui restent après qu’on l’a frottée sont tout ce qu’ils voient. Nous devons faire attention de ne pas rejoindre la foule grandissante des ingrats qui sont devenus insensibles aux bénédictions à force de se plaindre de leur misère.
La gratitude engendre la joie et le bonheur. Récemment, Sœur Watts et moi-même avons passé trois ans dans une autre partie du monde où nous avons œuvré parmi un peuple très doux et bienveillant. Si l’on devait évaluer le bonheur d’après les biens de ce monde qu’ils possèdent, la majorité de ces saints seraient malheureux. Tout au contraire, leur gratitude abonde, ce qui les pousse à des manifestations de joie contagieuse. Il est évident que bien qu’ils vivent dans une situation difficile et aient peu d’avantages, ce sont des gens charmants. Leur gaîté est engendrée par leur gratitude pour l’Evangile de Jésus-Christ et par les bénédictions qui découlent de leur fidélité aux principes enseignés. L’un de nos fidèles présidents de district était reconnaissant d’avoir une bicyclette pour pouvoir faire les déplacements nécessaires à son appel. Plus il pédalait, plus il semblait heureux. Il y a peut-être là une grande leçon à tirer; si nous éprouvons de l’ingratitude, nous devons pédaler un peu plus vite. L’engagement et la bonne volonté avec lesquelles nous servons sont le reflet direct de notre gratitude.
James E. Talmage a dit: «La gratitude est sœur jumelle de l’humilité; l’orgueil est l’ennemi des deux.» James E. Faust a dit: «La gratitude est le commencement de la grandeur.» Dans les moments d’épreuve, nous pouvons accepter avec reconnaissance ce qui doit arriver, reconnaissance pour les bienfaits et les dons que le Seigneur réserve à ceux qui respectent les commandements et le servent avec actions de grâce. Un ami pour l’éternité, ancien voisin qui a embrassé les enseignements de l’Evangile dans notre foyer il y a bien des années, a connu le feu du raffineur, récemment, lorsqu’il a perdu sa femme, qu’il chérissait. Les paroles par lesquelles il a exprimé récemment sa gratitude indicible pour l’Evangile, les alliances du temple et le mariage éternel sont gravées dans mon esprit. Avec le décès de sa femme, cette connaissance lui apporte un réconfort qu’elle et lui ne connaissaient pas avant de se joindre à l’Eglise. Il m’a dit: «Comment pourrais-je jamais te remercier d’avoir partagé avec notre famille ce magnifique don éternel?» J’ajoute à ses propos mes expressions de reconnaissance ineffable à notre Père céleste et à son Fils, Jésus-Christ, pour «les précieux dons et privilèges» offerts à nous tous.
«Et celui qui reçoit tout avec gratitude sera rendu glorieux, et les choses de cette terre lui seront ajoutées, à savoir au centuple, oui, davantage.» Dieu est le dispensateur plein de grâce. Je témoigne qu’il existe, ainsi que son Fils bien-aimé, Jésus-Christ. Au nom de Jésus-Christ. Amen. 9