Classiques de L’évangile
Trois paraboles - L’abeille sans sagesse, le « Owl Express », et les deux lampes
Frère Talmage fut apôtre pendant 22 ans et écrivit deux livres pour l’Église largement utilisés jusqu’à ce jour : Jésus le Christ et Les articles de foi. À partir de janvier 1914, frère Talmage publia également une série de paraboles, histoires tirées de son expérience personnelle qui enseignent les principes de l’Évangile. Voici trois de ses paraboles les plus réussies.
Parabole de l’abeille sans sagesse
Il arrive que j’aie des obligations professionnelles qui me demandent un calme et un isolement que ni mon bureau confortable ni l’agréable bibliothèque de ma maison ne peuvent offrir. Mon refuge préféré est une pièce située à l’étage supérieur de la tour d’un grand bâtiment, bien à l’écart du bruit et de l’agitation des rues de la ville. Cette pièce est assez difficile d’accès et assure une assez bonne protection contre les importuns. Muni de livres et d’un stylo, je passe, dans cette pièce, de nombreuses heures calmes et occupées.
Cependant, il m’arrive d’avoir des visiteurs, surtout en été. Lorsque je travaille les fenêtres ouvertes, des insectes volants pénètrent parfois dans la pièce et l’occupent avec moi. Je ne chasse pas ces visiteurs qui s’invitent eux-mêmes. Bien des fois, j’ai posé mon stylo, et oubliant ce que je faisais, j’ai observé avec intérêt les mouvements de ces visiteurs ailés, sans penser après coup avoir perdu mon temps, car n’est-il pas vrai que même un papillon, un scarabée ou une abeille peut enseigner une leçon à qui est désireux d’apprendre ?
Un jour, une abeille sauvage venue des collines voisines est entrée dans la pièce. Pendant une heure ou plus, j’ai entendu, par intervalles, son agréable bourdonnement. La petite créature s’est rendu compte qu’elle était prisonnière mais tous ses efforts pour trouver l’issue par la fenêtre entrouverte se sont soldés par un échec. Lorsque je me suis apprêté à fermer la pièce et à partir, j’ai ouvert grand la fenêtre et j’ai essayé de guider l’abeille pour qu’elle sorte, puis de la forcer à retrouver sa liberté et sa sécurité, sachant que, si elle restait dans la pièce, elle mourrait comme d’autres insectes prisonniers avaient péri dans cet endroit sec et fermé. Plus j’essayais de la faire sortir, plus elle s’opposait à mes efforts. Son bourdonnement d’abord paisible est devenu bruyant et agressif et son vol s’est accéléré et est devenue hostile et menaçant.
Puis elle m’a pris par surprise et m’a piqué la main, cette main qui voulait l’aider à retrouver la liberté. Finalement, elle s’est posée sur une décoration du plafond, assez loin pour que je ne puisse ni l’aider ni lui faire du mal. La vive douleur de sa méchante piqûre m’a inspiré de la pitié plutôt que de la colère. Je connaissais la punition qui résulterait inévitablement de cette opposition et de cette rébellion injustifiées, et j’ai dû laisser l’insecte à son sort. Trois jours plus tard, je suis retourné dans la pièce et j’ai trouvé le corps sans vie et desséché de l’abeille sur le bureau. Son obstination lui avait coûté la vie.
Dans son manque de clairvoyance et son incompréhension égoïste, l’abeille pensait que j’étais un ennemi qui ne voulait que la persécuter sans relâche et la tuer, alors qu’en vérité, j’étais son ami et je lui offrais le salut puisqu’elle avait mis sa vie en danger par sa propre erreur. Je voulais la libérer, malgré elle, de cet endroit où elle resterait prisonnière jusqu’à sa mort, et la remettre dehors à l’air libre.
Avons-nous beaucoup plus de sagesse que cette abeille au point qu’il n’y ait aucune analogie entre son attitude irréfléchie et notre vie ? Nous avons tendance à nous révolter, parfois avec véhémence et colère, contre l’adversité qui, après tout, est peut-être la manifestation d’une sagesse supérieure et de tendres soins dirigés contre notre confort provisoire pour notre bien-être durable. Il y a, dans les tribulations et les souffrances de la condition mortelle, une intervention divine que seules les âmes impies n’arrivent absolument pas à discerner. Dans le cas de beaucoup de personnes, la perte de leur richesse s’est révélée être une aubaine, un moyen providentiel de sortir de leur cellule d’abandon égoïste aux passions pour aller à l’air libre et vers le soleil, où les efforts sont abondamment récompensés. La déception, le chagrin et l’affliction peuvent être des manifestations de la bienveillance d’un Père omniscient.
Réfléchissez à la leçon de l’abeille sans sagesse !
« Confie-toi en l’Éternel de tout ton cœur, et ne t’appuie pas sur ta sagesse ; Reconnais-le dans toutes tes voies, et il aplanira tes sentiers » (Proverbes 3:5-6).
Parabole du « Owl Express »
Lorsque j’étais à l’université, je faisais partie d’un groupe d’étudiants désignés pour faire des travaux sur le terrain, dans le cadre de notre cours obligatoire de géologie, science qui s’intéresse à la terre dans tous ses différents aspects et différentes phases, mais plus particulièrement aux roches qui la composent, aux particularités de leurs structures, aux métamorphoses qu’elles ont subies et à celles qu’elles sont en train de subir : la science des mondes.
Une tâche particulière avait nécessité que nous restions de nombreux jours sur le terrain. Nous avions parcouru, examiné et répertorié des kilomètres de plaines et de hautes terres, de vallées et de collines, de sommets et de gorges de montagnes. Alors que nous approchions de la fin du temps qui nous avait été accordé pour faire les recherches, nous fûmes surpris par un vent violent, suivi d’une tempête de neige inhabituelle et inattendue pour la saison, mais qui redoublait d’intensité, au point que nous risquions de rester bloqués par la neige dans les collines. La tempête était au plus fort lorsque nous descendîmes les longs flancs escarpés d’une montagne à quelques kilomètres de la petite gare où nous espérions prendre un train ce soir-là pour rentrer chez nous. À grand peine, nous atteignîmes la gare tard dans la nuit tandis que la tempête faisait toujours rage. Nous souffrions du froid intense à cause du vent cinglant et de la neige battante. Comble de malheur, nous apprîmes que le train que nous attendions avait été arrêté par des congères à quelques kilomètres de la petite gare où nous nous trouvions.
… Le train que nous attendions avec tant d’espoir était le Owl Express, rapide de nuit reliant de grandes villes. Ses horaires ne lui permettaient de s’arrêter qu’à quelques gares, les plus importantes, mais nous savions qu’il devait s’arrêter à ce petit poste isolé pour faire le plein d’eau pour la locomotive.
Le train arriva bien après minuit, dans un tourbillon impressionnant de vent et de neige. Je m’attardai derrière mes camarades alors qu’ils se dépêchaient de monter dans le train car mon attention avait été attirée par le mécanicien. Pendant ce bref arrêt, alors que son assistant s’occupait de faire le plein d’eau, il s’affairait autour de la locomotive : il graissait certaines pièces, en ajustait d’autres, et faisait une inspection générale de la locomotive à bout de souffle. Je me risquai à lui parler, bien qu’il fût très occupé. Je lui demandai quels étaient ses sentiments au sujet d’une nuit comme celle-ci, violente, étrange et enragée, où les pouvoirs de destruction semblaient se déchaîner, de toutes parts, que la tempête hurlait, et que le danger menaçait de tous côtés. Je pensai aux congères ou aux glissements de terrain possibles et même fortement probables sur la voie, aux ruptures des ponts métalliques à cause de la tempête, à la chute de rochers détachés du flanc de la montagne, ou à d’autres obstacles de ce genre. Je me rendis compte que, si la voie était bloquée ou endommagée et que cela provoquait un accident, le mécanicien et le machiniste seraient les plus exposés au danger. Une collision violente leur coûterait vraisemblablement la vie. J’exprimai rapidement ces pensées et d’autres en questionnant le mécanicien qui s’affairait sans perdre de temps.
La réponse qu’il fit est une leçon que je n’ai toujours pas oubliée. Il dit, en substance, bien que par des phrases saccadées et décousues : « Regardez le feu de la locomotive. Il éclaire la voie sur une centaine de mètres ou plus, non ? Eh bien, tout ce que j’essaye de faire, c’est de bien regarder ces cent mètres de voie éclairée. Je peux voir cette zone et je sais que, sur cette distance, la voie est libre et sans danger. Et », ajouta-il avec ce qui me sembla être, malgré les rafales et la faible luminosité de cette nuit agitée, un sourire taquin et un pétillement joyeux dans les yeux : « Croyez-moi, je n’ai jamais réussi à conduire ma vieille locomotive, que Dieu la bénisse, assez vite pour dépasser les cent mètres de voie éclairée. La lumière du phare de la locomotive est toujours devant moi ! »
Lorsqu’il prit place dans la cabine, je me dépêchai de monter dans le premier wagon pour passagers. Lorsque je m’enfonçai dans un siège rembourré, en savourant la chaleur et le confort en général, qui contrastait grandement avec la fureur de la nuit à lérieur, je réfléchis aux paroles du mécanicien couvert de charbon et de graisse. Elles étaient remplies de foi : la foi qui accompagne des grandes choses, la foi qui donne du courage et de la détermination, la foi qui produit des œuvres. Que se serait-il passé si le mécanicien avait manqué à sa tâche, s’il avait cédé à la peur et avait refusé de continuer à cause des dangers qui menaçaient ? Qui sait quelle œuvre aurait pu être entravée, quels projets importants auraient pu avorter, quels secours bienveillants envoyés par Dieu auraient pu être empêchés, si le mécanicien avait faibli et perdu courage ?
Sur une petite distance, la voie balayée par l’orage était éclairée. Sur ce court intervalle, le mécanicien avançait !
Nous ne savons peut-être pas ce qui nous attend dans les prochaines années, ni même dans les prochains jours ou les toutes prochaines heures. Mais sur une distance de quelques dizaines de mètres, ou peut-être de quelques mètres, la voie est dégagée, nous savons ce que nous avons à faire, notre chemin est éclairé. Sur cette courte distance, pour faire le prochain pas, éclairé par l’inspiration de Dieu, avançons !
Parabole des deux lampes
Parmi les choses matérielles que je garde précieusement comme souvenirs et qui me rappellent de bons moments passés, il y a une lampe…
La lampe dont je parle, la lampe d’étudiant que j’avais quand j’allais à l’école et à l’université, était l’une des meilleures de son genre. Je l’avais achetée avec mon salaire péniblement épargné et elle faisait partie des biens que je chérissais le plus…
Un soir d’été, j’étais assis, méditant profondément mais paisiblement en plein air, à l’extérieur de la chambre dans laquelle je logeais et j’étudiais. Un inconnu m’aborda. Je remarquai qu’il portait une sacoche. Il était aimable et divertissant. J’allai chercher une autre chaise à l’intérieur et nous discutâmes jusqu’à ce que la nuit tombe peu à peu et qu’il fasse complètement noir.
Puis il dit : « Vous êtes étudiant, vous avez sûrement beaucoup de travail à faire le soir. Quel genre de lampe utilisez-vous ? » Sans attendre de réponse, il continua : « J’ai une lampe de qualité supérieure que j’aimerais vous montrer, une lampe conçue et réalisée selon les dernières découvertes de la science appliquée, qui dépasse de loin tout ce qu’on a produit jusqu’ici comme lumière artificielle. »
Je répondis avec confiance et, je dois l’avouer, non sans une certaine fierté : « Mon ami, j’ai une lampe qui a fait ses preuves. Elle m’a accompagné pendant de nombreuses longues nuits. C’est une lampe Argand, l’une des meilleures de son genre. Je l’ai nettoyée et en ai taillé la mèche aujourd’hui ; elle est prête à être allumée. Entrez un instant, je vais vous montrer ma lampe, puis vous me direz s’il est possible que la vôtre soit meilleure. »
Nous entrâmes dans ma chambre d’étudiant et j’approchai une allumette de ma lampe Argand à la mèche bien taillée, avec, je pense, un sentiment comparable à celui d’un athlète sur le point de disputer une épreuve contre une personne qu’il considère comme un adversaire pitoyablement inférieur.
Mon visiteur ne fut pas avare de compliments. Il dit que c’était la meilleure lampe de son genre. Il affirma qu’il n’avait jamais vu de lampe aussi bien entretenue. Il monta et descendit la mèche et jugea que le réglage était parfait. Il déclara que jamais auparavant, il ne s’était rendu compte à quel point une lampe d’étudiant pouvait être satisfaisante.
J’aimais bien cet homme. Il me semblait réfléchi et savait assurément se faire apprécier. « Qui m’aime, aime ma lampe », me dis-je pour reprendre une expression que l’on disait couramment à l’époque.
« Maintenant, dit-il, si vous me le permettez, je vais allumer ma lampe. » Il tira de sa sacoche une lampe qui s’appelait alors la « Rochester ». Elle avait un verre qui, comparé au mien, ressemblait à une cheminée d’usine à côté de celle d’une maison. Sa mèche creuse était assez large pour que je puisse y mettre quatre doigts. Sa lumière éclaira jusqu’au coin le plus éloigné de ma chambre. À la lumière de cette puissante flamme, ma petite Argand produisait une faible lueur jaune pâle. Jusqu’à ce moment de démonstration convaincante, je ne m’étais jamais rendu compte de l’obscurité dans laquelle je vivais, travaillais et étudiais avec acharnement.
« Je vous achète votre lampe, dis-je, tout autre argument ou explication est inutile. » J’apportai ma nouvelle acquisition au laboratoire le soir même pour évaluer ses qualités. Elle avait une puissance supérieure à quarante-huit bougies, soit quatre fois plus que ma lampe d’étudiant.
Deux jours après mon achat, je rencontrai le vendeur de lampe dans la rue aux environs de midi. À ma demande, il me dit que les affaires étaient bonnes et que la demande pour ses lampes dépassait l’offre de l’usine. « Mais, dis-je, vous ne travaillez pas aujourd’hui ? » Sa réponse fut une leçon pour moi. « Croyez-vous que je serais assez bête pour essayer de vendre des lampes pendant la journée ? En auriez-vous acheté une si je l’avais allumée pendant que le soleil brillait ? J’ai choisi le bon moment pour vous démontrer la supériorité de ma lampe par rapport à la vôtre et vous avez vivement désiré avoir la lampe de meilleure qualité que je vous proposais, n’est-ce pas ? »
Voilà l’histoire. Maintenant, réfléchissez à l’application que l’on peut faire d’une partie, d’une toute petite partie de cette histoire.
« Que votre lumière brille ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Matthieu 5:16).
L’homme qui voulait me vendre une lampe n’a pas dénigré la mienne. Il a mis sa plus grande lumière à côté de ma faible flamme et je me suis empressé d’acquérir la meilleure.
Les serviteurs missionnaires de l’Église de Jésus-Christ sont envoyés, aujourd’hui, non pour attaquer ou tourner en ridicule les croyances des hommes, mais pour montrer au monde une plus grande lumière, qui rendra évidente la faiblesse de la luminosité des flammes vacillantes et fumantes des credo inventés par les hommes. L’œuvre de l’Église est constructive et non destructrice.
Quant aux autres significations de cette parabole, que celui qui a des yeux et un cœur voit et comprenne.
Publiés dans le Improvement Era, septembre 1914, p. 1008-1009 ; janvier 1914, p. 256-258 ; juillet 1914, p. 807-809 ; ponctuation et orthographe modernisées.