Quand je suis devenue invisible
Nous étions à peine arrivés dans notre chambre d’hôtel que le téléphone sonnait. Je savais que ce seraient de mauvaises nouvelles de Jodi, ma sœur âgée de neuf mois. Elle était dans le coma depuis la naissance et nécessitait une surveillance permanente et une alimentation artificielle spéciale. Nous avons provisoirement laissé Jodi à un centre de soins pour que notre famille puisse prendre des vacances bien nécessaires.
J’ai répondu au téléphone : Mon grand-père était au bout du fil. Sa voix était ferme : « Va chercher ton papa. »
Leur conversation n’a pas duré longtemps. Mes peurs étaient confirmées. Jodi était morte.
Le lendemain, une fois arrivés chez nous, j’ai poussé un soupir de soulagement. Le bus scolaire était en haut de la rue. Mes amis allaient arriver. J’allais enfin pouvoir partager ma peine avec quelqu’un de mon âge.
Cependant, tandis que j’attendais mes amis devant chez moi, quelque chose d’étrange a eu lieu. C’était presque comme si j’étais devenue invisible. J’ai regardé mes amis traverser la rue et continuer à parler entre eux. Ils ne m’ont même pas regardée.
Le lendemain matin, mes amis ne sont pas passés me chercher comme ils en avaient l’habitude. « C’est compréhensible », me suis-je dit. Ils pensaient probablement que je n’allais pas aller à l’école à cause de la préparation des obsèques. Mais ils ne sont pas venus le lendemain ni les jours suivants. Ils ne m’ont pas attendue non plus après l’école.
Pendant ce temps-là ma famille a reçu beaucoup de soutien de la Société de Secours et d’autres membres de la paroisse. Néanmoins, les ragoûts de poulet qu’ils apportaient n’ont pas beaucoup soulagé mon cœur de treize ans douloureux. Lorsque je suis retournée aux activités d’échange, ma consultante a donné une leçon sur la vie après la mort. Je me suis mise à pleurer. Ma consultante a baissé les yeux et a continué à lire. Mes camarades ont regardé droit devant elles. Je sanglotais. Comme j’aurais aimé que quelqu’un pleure avec moi ou me prenne dans ses bras.
En repensant à ces événements, je me rends compte que mes amis n’étaient ni cruels ni insensibles. Ils ne savaient tout simplement pas comment réagir à ma douleur. Ils supposaient que je voulais rester seule pour pleurer et, puisque j’étais en deuil, que je n’aurais pas envie de faire quoi que ce soit d’amusant.
Voici ce que j’aurais aimé que mes amis et ma consultante sachent :
Soyez disponibles pour votre amie. Apportez-lui un petit mot ou une fleur mais, plus important encore, allez la voir. Prenez-la dans vos bras et faites-lui savoir que vous vous souciez d’elle. Et allez à tout prix à l’exposition du corps ou à l’enterrement.
Faites participer votre amie à vos activités habituelles. Votre amie doit déjà s’adapter à la perte d’un être cher. Ne la forcez pas aussi à s’adapter à la perte de votre amitié. Il y a quelque chose de réconfortant à faire les choses habituelles.
Ne vous sentez pas obligée de faire un sermon sur la vie après la mort. Si ce type de leçon est donnée, faites comme l’a conseillé Alma : « Pleure[z] avec ceux qui pleurent, oui, et… console[z] ceux qui ont besoin de consolation » (Mosiah 18:9). Votre amie sait probablement déjà qu’elle reverra son être cher et, si elle ne le sait pas, le sujet se présentera naturellement lorsqu’elle exprimera ses pensés et ses soucis. Ce sera le moment de témoigner du plan du salut.
Un an après le décès de ma sœur, la mère de mon amie est morte. J’ai éprouvé une tristesse incroyable. J’ai pensé : « La prochaine fois que je la verrai, je vais lui dire combien je suis désolée. » Puis en me souvenant de ma propre expérience, j’ai su que mon amie avait besoin de moi tout de suite. En me rendant chez elle, j’étais un peu nerveuse. Et si elle ne voulait pas me voir ? Sa famille ne voulait peut-être pas que je sois là. Devais-je attendre et lui parler plus tard ? Mais quand elle a répondu à la porte j’ai vu qu’elle était heureuse que je sois venue. Son père et ses frères et sœurs plus âgés étaient en train de planifier les obsèques. Nous sommes allées faire une promenade. Je n’ai pas eu à me soucier de ce que je devais lui dire. C’est surtout elle qui a parlé.