2013
Vous n’êtes plus des étrangers
Novembre 2013


Vous n’êtes plus des étrangers

Dans cette Église, il n’y a ni étrangers ni exclus. Il n’y a que des frères et des sœurs.

La plupart d’entre nous à un moment ou à un autre se sont trouvés dans une situation nouvelle, où ils étaient dépaysés et éprouvaient un sentiment d’insécurité. C’est arrivé à notre famille il y a environ cinq ans quand le président Monson m’a appelé à servir comme Autorité générale de l’Église. Cet appel a nécessité que notre famille quitte le bel endroit où nous étions heureux de vivre depuis plus de vingt ans. Ma femme et moi nous souvenons encore de la réaction immédiate de nos enfants quand ils ont appris le changement. Notre fils, âgé de seize ans, s’est exclamé : « Pas de problème. Vous pouvez partir ; je reste ! »

Ensuite, il s’est vite résolu à nous accompagner et a saisi avec foi cette nouvelle possibilité qui lui était offerte. Au cours de ces dernières années, l’expérience de vivre dans des endroits nouveaux s’est révélée édifiante et agréable pour notre famille, en particulier du fait de la bonté et de l’accueil chaleureux des saints des derniers jours. Vivre dans des pays différents a été pour nous la confirmation que l’unité du peuple de Dieu à travers le monde est quelque chose de réel et de tangible.

Mon appel m’a conduit dans de nombreux pays où j’ai eu le privilège de présider de nombreuses réunions. En observant les diverses assemblées de membres de l’Église, j’y vois souvent des personnes représentant de nombreux pays, langues et cultures. L’un des merveilleux aspects de notre dispensation de l’Évangile est qu’elle n’est pas limitée à une région géographique ou à un groupe de nations. Elle est globale et universelle. Elle prépare le retour en gloire du Fils de Dieu en rassemblant « ses enfants des quatre coins de la terre1 ».

Malgré la diversité croissante des membres de l’Église, notre héritage sacré transcende nos différences. En tant que membres de l’Église, nous sommes admis dans la maison d’Israël. Nous devenons frères et sœurs, héritiers à parts égales d’un même lignage spirituel. Dieu a promis à Abraham que « tous ceux qui recevront l’Évangile seront appelés de [son] nom, seront considérés comme [sa] postérité et se lèveront et [le] béniront, [lui], leur père2 ».

Une promesse a été faite à quiconque devient membre de l’Église : « Ainsi donc vous n’êtes plus des étrangers, ni des gens du dehors ; mais vous êtes concitoyens des saints, gens de la maison de Dieu3. »

Le mot étranger vient du latin extraneus qui signifie « extérieur » ou « du dehors ». Il désigne généralement celui qui est « autre » pour de multiples raisons, qui peuvent être son origine, sa culture, ses opinions ou sa religion. En tant que disciples du Christ, qui nous efforçons d’être dans le monde mais pas du monde, nous nous sentons parfois étrangers. Mieux que quiconque, nous savons que certaines portes peuvent se fermer devant les personnes considérées comme différentes.

De tout temps, le peuple de Dieu a reçu le commandement de prendre soin des personnes étrangères ou considérées comme différentes. Dans les temps anciens, l’étranger bénéficiait du même devoir d’hospitalité et d’entraide que la veuve et l’orphelin. Comme eux, il était dans une situation de grande vulnérabilité et sa survie dépendait de la protection qu’il recevait de la part des populations locales. Le peuple d’Israël avait reçu des instructions précises à cet égard : « Vous traiterez l’étranger parmi vous comme un indigène du milieu de vous ; vous l’aimerez comme vous-mêmes, car vous avez été étrangers dans le pays d’Égypte4. »

Jésus, pendant sa mission terrestre, nous a montré l’exemple en allant bien au-delà de la simple obligation d’hospitalité et de tolérance. Tous les exclus de son époque, ceux qui étaient rejetés et considérés comme impurs par les « bien-pensants », avaient droit à sa compassion et à son respect. Ils recevaient une part égale de son enseignement et de son ministère.

Par exemple, bravant les interdits de son époque, le Sauveur s’est adressé à la Samaritaine pour lui demander un peu d’eau. Il s’est attablé pour manger avec les péagers et les collecteurs d’impôt. Il n’a pas hésité à s’approcher du lépreux et à le toucher pour le guérir. Admirant la foi du centenier romain, il a dit de lui à la foule : « Je vous le dis, même en Israël, je n’ai pas trouvé une aussi grande foi5. »

Jésus nous a demandé d’observer la loi de l’amour parfait, qui est un don universel et inconditionnel. Il a dit :

« Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains aussi n’agissent-ils pas de même ?

« Si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens aussi n’agissent-ils pas de même ?

« Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait6. »

Dans cette Église, il n’y a ni étrangers ni exclus. Il n’y a que des frères et des sœurs. La connaissance que nous avons d’un Père éternel nous rend plus sensibles à la fraternité qui devrait exister entre tous les hommes et les femmes qui peuplent la terre.

Un épisode du roman Les Misérables illustre bien l’attitude que les détenteurs de la prêtrise pourraient avoir vis-à-vis des personnes dites « étrangères ». Jean Valjean vient de sortir du bagne. Épuisé par un long voyage, mourant de faim et de soif, il arrive dans une petite ville et cherche un endroit où se restaurer et un logis où passer la nuit. Quand la nouvelle de son arrivée se répand, toutes les portes se ferment, une à une. Ni l’hôtel, ni l’auberge, ni même la prison ne le reçoivent. Il est rejeté, chassé, banni. Il finit par échouer, à bout de forces, devant la porte de l’évêque de la ville.

Cet homme d’église, bien que n’ignorant rien de son passé, reçoit le vagabond avec bienveillance. Il l’invite par ces mots compatissants :

« ‘Ce n’est pas ici ma maison, c’est la maison de Jésus-Christ. Cette porte ne demande pas à celui qui entre s’il a un nom, mais s’il a une douleur. Vous souffrez ; vous avez faim et soif ; soyez le bienvenu… Qu’ai-je besoin de savoir votre nom ? D’ailleurs, avant que vous me le disiez, vous en avez un que je savais.’

« [Valjean] ouvre des yeux étonnés.

« - Vrai ? vous saviez comment je m’appelle ?

« - Oui, répond l’évêque, vous vous appelez mon frère7.’ »

Dans l’Église, nos paroisses et nos collèges ne nous appartiennent pas. Ils appartiennent à Jésus-Christ. Quiconque entre dans nos églises doit pouvoir s’y sentir chez lui. La responsabilité d’accueillir tout le monde revêt une importance grandissante. Le monde dans lequel nous vivons traverse une période de profonds bouleversements. En raison de la disponibilité accrue des moyens de transport et de communication et de la mondialisation des économies, la terre est en train de devenir une sorte d’immense village, où peuples et nations se rencontrent, se côtoient et se brassent comme jamais auparavant.

Ces changements planétaires servent les desseins du Dieu Tout-Puissant. Le rassemblement de ses élus des quatre coins de la terre ne s’opère pas seulement par l’envoi de missionnaires dans des pays lointains. Il se produit aussi dans nos villes et dans nos quartiers par la venue chez nous de personnes issues d’autres régions. Beaucoup d’entre elles, sans le savoir, sont conduites par le Seigneur vers un endroit où elles pourront entendre l’Évangile et rejoindre le troupeau.

Il y a de fortes chances pour que la prochaine personne convertie à l’Évangile dans votre paroisse ne vienne pas de votre cercle habituel. Vous le remarquerez à son apparence, à sa langue, à son habillement ou à la couleur de sa peau. Cette personne aura grandi dans une autre religion, avec d’autres références et un autre mode de vie.

L’intégration au sein de l’Église est une responsabilité importante de la prêtrise. Les collèges de Prêtrise d’Aaron et de Melchisédek agissent de concert avec les organisations auxiliaires sous la direction de l’évêque, pour s’assurer que chacun est accueilli avec amour et bienveillance. Les instructeurs au foyer et les instructrices visiteuses veillent à ce que personne ne soit oublié ou laissé seul.

Nous devons tous travailler pour édifier l’unité spirituelle au sein de nos paroisses et de nos branches. Un exemple de parfaite unité a existé parmi le peuple de Dieu après la visite du Christ en Amérique. Il est dit qu’il n’y avait pas de Lamanites, « ni aucune sorte d’ites ; mais ils étaient un, enfants du Christ et héritiers du royaume de Dieu8 ».

L’unité ne consiste pas à ignorer ou écarter les membres qui paraissent différents ou plus faibles, pour se retrouver entre gens qui se ressemblent. Bien au contraire, l’unité se gagne à force d’accueillir et de servir ceux-là mêmes qui sont nouveaux ou qui ont des besoins particuliers. Ces membres sont une bénédiction pour l’Église et nous procurent des occasions de servir notre prochain et par là-même de purifier notre cœur.

Alors, mes frères, il est de votre devoir d’aller vers toute personne qui se présente à la porte de nos églises. Accueillez-la avec reconnaissance et sans préjugés. Si un inconnu se présente dans l’une de nos réunions, accueillez-le chaleureusement et invitez-le à s’asseoir avec vous. S’il vous plaît, faites le premier pas pour l’aider à se sentir accueilli et aimé plutôt que d’attendre qu’il fasse un pas vers vous.

Après avoir accueilli cette personne, réfléchissez à la façon dont vous pouvez continuer à vous occuper d’elle. Je me souviens d’une paroisse où suite au baptême de deux sœurs malentendantes, deux merveilleuses sœurs de la Société de Secours ont décidé d’apprendre la langue des signes pour mieux pouvoir communiquer avec ces deux nouvelles converties. Quel magnifique exemple d’amour pour nos frères et sœurs dans l’Évangile !

Je témoigne que nul n’est étranger aux yeux de notre Père céleste. Toute âme est précieuse à ses yeux. Avec Pierre, je rends témoignage que « Dieu ne fait pas acception de personnes, mais qu’en toute nation celui qui le craint et qui pratique la justice lui est agréable9 ».

Je prie pour que le Seigneur puisse dire à chacun d’entre nous, quand il rassemblera ses brebis au dernier jour : « J’étais étranger, et vous m’avez recueilli. »

Nous lui répondrons alors : « Quand t’avons-nous vu étranger, et t’avons-nous recueilli ? »

Et il nous répondra : « Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites10. »

Au nom de Jésus-Christ. Amen.