1ère partie : La réouverture de la mission française en 1912
Avec le départ en 1864 de Louis Auguste Bertrand (1808-1875), dernier président de la mission française, l’œuvre de prédication cessa officiellement en France. Les difficultés avec le pouvoir du Second Empire en furent la cause principale, pourtant l’Église continuait à se développer en Suisse francophone (depuis 1850), et démarrait même en Belgique dès 1888. La visite en France des apôtres George A. Smith (1817-1875), alors membre de la Première Présidence, et de Lorenzo Snow, en 1872, et leur rencontre avec le Président Thiers, montre que Brigham Young espérait toujours rouvrir la Mission. Mais il n’était pas encore temps.
Plusieurs facteurs jouèrent en faveur d’un nouvel élan missionnaire au début du XXe siècle. Tout d’abord, en 1890, avec la publication du Manifeste, la pratique du mariage plural disparut. L’Utah devint le 45e état des États-Unis en 1896. Cela conduisit à une normalisation des relations entre l’Église de Jésus-Christ et l’État fédéral. Enfin, après avoir invité les convertis à émigrer en Sion, les Frères demandèrent aux saints de rester dans leur pays.
Après des années de « guerre des deux France », la France cléricale et l’anticléricale, la France promulgua, en 1905, la Loi de séparation des Églises et de l’État. Les dirigeants de Salt Lake suivaient de près cette évolution comme le montre un article de l’Improvement Era daté de janvier 1907, sous le titre « Séparation de l’Église et de l’État en France ».1
À partir de 1908, les présidents de la Mission néerlandaise, d’une part, et de la Mission suisse et allemande, d’autre part, décidèrent, de façon probablement concertée, de tenter une ouverture en France, à Lille, à Lyon, puis à Nîmes et Paris (1909). Ces expériences positives conduisirent à la réouverture officielle.
Le 15 octobre 1912, une conférence spéciale fut conviée à Paris, réunissant tous les missionnaires parlant le français2. Cette réunion fut organisée par l’apôtre Rudger Clawson, président de la mission européenne. Edgar Brossard3, l’un des jeunes missionnaires, fut mis à part comme premier président de la mission. Dans une lettre du 4 septembre 1912, la Première Présidence avait approuvé la réouverture, incluant les branches de Lausanne, Lyon, La Chaux-de-Fonds, Paris, Neuchâtel, et Genève, Liège, Seraing, Verviers, Bruxelles et Lille, soit un total d’environ 400 membres.4
Rapidement, le président Brossard prit plusieurs décisions. Il organisa un système rationnel pour faire un suivi des activités de porte à porte ce qui permit d’évaluer la qualité des efforts et du nombre d’heures de travail des missionnaires. Il lança aussi un programme de santé et de propreté pour toute la mission. Enfin, il insista sur la participation des membres locaux à la vie de la branche, comme organistes, directeurs de chœur, instructeurs à l’École du Dimanche, dans des classes d’étude de la Bible, etc. De nouvelles branches furent bientôt ouvertes, telles Troyes et Amiens (mai 1913).
Le 2 octobre 1913, une année après la création de la mission française, Ezra Taft Benson, alors président de la mission britannique5, publia un article dans le Millenial Star. Il y décrivit les progrès de la mission française constatés lors de sa visite en août et septembre de cette même année et évalua les résultats : « Le succès qui a suivi les efforts des missionnaires qui y ont œuvré justifie les mesures qui ont été prises pour amener les différents pays habités par des francophones entièrement dans les frontières de l’Église… Le nombre de convertis à l’Église venant de France et de la partie francophone de la Suisse et de la Belgique durant les onze derniers mois, dépasse celui des années précédentes6. »
Le nombre des baptêmes dans la Mission française passa de trois cent soixante-douze en 1912 à quatre cents en 1913, un progrès considéré comme satisfaisant. Quoi qu’il en soit, ces progrès furent de courte durée car déjà la guerre se profilait.