Histoire de l’Église
34 Va le voir


Chapitre 34

Va le voir

lieu de culte au Japon

Emmy Cziep n’avait pas l’habitude de vivre dans une petite ville. Elle avait grandi dans une ville européenne animée et, au début, sa nouvelle résidence canadienne à Raymond, en Alberta, ne lui fit pas grande impression. La ville comprenait quelques magasins et une sucrerie. Les routes étaient en terre et il n’y avait aucun trottoir. En découvrant son nouveau cadre de vie, elle pensa : « Ai-je quitté tout ce qui m’était cher pour ça ? »

Ses hôtes, Heber et Valeria Allen, firent de leur mieux pour qu’elle se sente bien. Elle disposait d’une chambre à l’étage supérieur de leur maison spacieuse et Heber lui avait donné un emploi dans son magasin, le « Raymond Mercantile ». Emmy savait qu’il n’avait pas besoin de son aide, mais cela lui permettait de rembourser l’argent que sa femme et lui avaient dépensé pour son émigration. Le couple faisait partie des nombreuses familles de saints des derniers jours au Canada qui aidaient les membres de l’Église européens. Récemment, leur pieu avait envoyé quinze mille sacs de blé concassé aux saints allemands1.

Quelques semaines après s’être installée à Raymond, Emmy reçut une lettre de Glenn Collette, un ancien missionnaire de la mission suisse-autrichienne. Elle avait fait sa connaissance pendant qu’ils étaient tous les deux en mission en Suisse et ils avaient rapidement commencé à éprouver des sentiments l’un pour l’autre, mais ils étaient restés concentrés sur leur mission. Glenn vivait désormais à Idaho Falls, aux États-Unis, à plus de huit cents kilomètres au sud de Raymond, mais il voulait savoir s’il pouvait venir voir Emmy à Noël.

La famille Allen n’aimait pas l’idée que le jeune homme fasse tout ce chemin pour rendre visite à Emmy, mais ils acceptèrent et il passa les vacances avec la famille. La jeune femme était heureuse de revoir son ami et, lorsqu’il fut rentré en Idaho, ils s’écrivirent presque tous les jours et se téléphonaient tous les samedis soirs2.

Le jour de la Saint-Valentin, Glenn demanda Emmy en mariage au téléphone. Elle accepta. Quelques jours plus tard, elle commença à douter, pensant qu’ils devaient prendre davantage de temps pour faire connaissance. Elle savait que c’était un homme bon, qui avait été un missionnaire diligent. De plus, il avait beaucoup d’amis et semblait aimer les enfants. Toutefois, était-il sage d’épouser un homme qu’elle avait fréquenté essentiellement au téléphone ?

Les lettres de Glenn étaient rassurantes et elles lui permirent de mieux le connaître. Un jour, il écrivit : « Je t’aime de tout mon être. Quoi que l’avenir me réserve, si tu es avec moi, je ne connaîtrai que le bonheur et la joie3. »

Le 24 mai 1949, six mois après son arrivée au Canada, Emmy priait avec Glenn avant de se rendre au temple de Cardston. Le jeune homme était nerveux et il oublia leur certificat de mariage, ce qui les retarda un peu. Quant à Emmy, ses parents restés en Autriche lui manquaient. Toutefois, elle savait qu’ils pensaient à elle et comprenaient l’importance des alliances qu’elle contractait ce jour-là4.

Plus tard, tandis que le jeune couple était agenouillé de part et d’autre de l’autel dans la salle de scellement, Emmy était remplie de reconnaissance. Son déménagement au Canada lui avait donné la possibilité de vivre près d’un temple et de s’y rendre avec quelqu’un qu’elle aimait. Sans l’Évangile rétabli et son engagement et celui de Glenn à s’y conformer, ils ne se seraient jamais trouvés.

Après une lune de miel passée non loin dans un parc national, Glenn retourna à Idaho Falls tandis qu’Emmy resta à Raymond en attendant de pouvoir émigrer aux États-Unis. Un soir, environ un mois après son mariage, elle eut l’occasion de se rendre au temple avec un groupe de missionnaires.

Elle écrivit à Glenn : « Quand j’entrerai dans le temple ce soir, je penserai à toi constamment. » Elle attendait avec impatience le jour où ils retourneraient ensemble dans la maison du Seigneur. Elle ajouta dans sa lettre : « En attendant, sache que je te remercie et que je t’aime5. »


À peu près à cette époque, à Nagoya, au Japon, Toshiko Yanagida, âgée de vingt-neuf ans, craignait pour sa vie. Elle venait de faire une fausse couche, à la suite de quoi son médecin lui avait trouvé une tumeur qu’il fallait opérer. Comme le matériel médical se faisait encore rare au Japon, suite à la Seconde Guerre mondiale, l’opération était dangereuse. Ne sachant pas si elle y survivrait, Toshiko se faisait du souci pour ses fils, Takao, trois ans, et Masashi, cinq ans. Elle voulait qu’ils aient foi en Dieu mais ni elle ni son mari, Tokichi, ne leur avaient enseigné les choses spirituelles6.

Même si la jeune femme n’était pas particulièrement attirée par la religion, elle était convaincue qu’une force supérieure veillait sur elle. En grandissant, elle était allée à l’école dans un établissement protestant et avait étudié le shintoïsme et le bouddhisme, les deux religions les plus répandues au Japon. Elle se souvenait aussi d’avoir assisté à une réunion de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours avec son père, Tomigoro Takagi, qui en était devenu membre en 1915. Son père ne parlait pas souvent de sa religion, car les grands-parents de Toshiko, qui vivaient alors avec la famille, s’opposaient à l’Église. De plus, depuis la fermeture de la mission japonaise en 1924, quand Toshiko avait cinq ans, Tomigoro avait rarement eu l’occasion de se réunir avec d’autres saints7.

L’opération de Toshiko se déroula avec succès et, lorsqu’elle eut repris suffisamment de forces pour voyager, elle se rendit chez ses parents, près de Tokyo, et parla de religion avec son père. Elle lui dit : « Je veux assister aux offices d’une église8. »

Tomigoro l’incita à assister à un service de culte des saints des derniers jours. Lui-même retournait depuis peu à l’Église. Après la guerre, les dirigeants de l’Église à Salt Lake City étaient venus en aide aux saints japonais, leur envoyant des cargaisons de nourriture et de vêtements dont ils avaient tant besoin. Les groupes de militaires offraient toujours la possibilité aux membres de l’Église japonais de se réunir avec des soldats saints des derniers jours américains. Ces réunions connaissaient un tel succès qu’en 1948, la Première Présidence se sentit poussée à envoyer à nouveau des missionnaires au Japon.

Tomigoro connaissait un missionnaire du nom de Ted Price qui servait à Narumi, à deux heures de chez Toshiko. Il dit à sa fille : « Va le voir. Si tu lui dis que tu es la fille de Tomigoro Takagi, cela lui fera très plaisir9. »

Toshiko était quelque peu sceptique concernant l’Église de son père. Elle ne connaissait rien de ses enseignements et n’aimait pas le terme « mormon ». Néanmoins, un dimanche, quelques mois après son opération, elle se rendit dans un petit lieu de culte sur le versant d’une colline à Narumi. Elle arriva en retard, au moment où Ted Price parlait du Livre de Mormon à une grande assemblée. En écoutant leur discussion, elle commença à changer d’avis concernant l’Église. Elle croyait ce qu’elle entendait et cela lui donnait de l’espérance10.

À la fin de la réunion, elle alla voir Ted Price et son collègue, Danny Nelson. Les deux jeunes hommes lui avaient fait bonne impression et elle avait hâte de les entendre à nouveau parler. Pourtant, il serait difficile de se rendre à l’église à Narumi : le trajet prenait beaucoup de temps. De plus, son mari ne l’accompagnerait probablement pas. Le dimanche était son seul jour de congé et il refusait de prendre part à une religion quelle qu’elle soit.

Cependant, ce que Toshiko avait entendu ce jour-là avait fait naître en elle la foi en l’Évangile rétabli Elle se dit : « Si je veux donner à mes garçons la même flamme, mon mari doit changer. Comment faire pour que cela arrive11 ? »


Tandis que Toshiko Yanagida pensait à l’avenir de sa famille, Adele Cannon Howells, présidente générale de la Primaire, cherchait un moyen d’aider les petits enfants à découvrir le Livre de Mormon. Pendant de nombreuses années, les conférences générales et les manuels pédagogiques de l’Église n’y faisaient référence qu’occasionnellement. Les leçons de la Primaire mettaient plutôt l’accent sur les histoires de la Bible et sur les valeurs que les saints avaient en commun avec les autres religions chrétiennes. Cependant, depuis peu, les dirigeants et les instructeurs de l’Église avaient commencé à s’appuyer de plus en plus sur le Livre de Mormon. Des membres de l’Église souhaitaient que la Primaire revoie ses leçons afin de faire meilleur usage de cet ouvrage canonique et des autres enseignements propres aux saints des derniers jours.

Comme Adele savait que les images étaient un outil efficace pour faire comprendre l’Évangile, elle écrivit à Spencer W. Kimball, qui était apôtre, et à plusieurs organisations de l’Église pour leur proposer de produire un livre d’histoires illustrées du Livre de Mormon pour les enfants12.

Spencer W. Kimball répondit : « Votre proposition est très intéressante. » Toutefois, il craignait que le projet ne soit trop onéreux13.

Adele n’était pas prête à y renoncer. Depuis qu’elle avait été appelée présidente générale de la Primaire en 1943, elle avait mené à bien plusieurs projets ambitieux, dont deux programmes novateurs destinés aux enfants. Le premier était une émission radiophonique de quinze minutes : L’ami des enfants sur les ondes (Children’s Friend of the Air), qui racontait des histoires tirées du magazine officiel de la Primaire. Le second était un programme télévisé hebdomadaire intitulé Le conseil des cadets (Junior Council), lancé en 1948, année où l’Église avait diffusé la conférence générale à la télévision pour la première fois. Dans ce programme, des enfants répondaient aux questions envoyées par des lecteurs du magazine L’Ami des enfants ou posées par le public présent dans le studio14.

Par ailleurs, pendant plusieurs années, Adele avait travaillé à un projet de construction d’un nouvel hôpital pour enfants à Salt Lake City. Depuis 1922, la Primaire gérait un hôpital dans la ville mais il fallait désormais des locaux plus grands et plus modernes. En avril 1949, les dirigeants de l’Église posèrent la première pierre du nouvel hôpital situé au sommet d’une colline surplombant la vallée du lac Salé. Afin de récolter les fonds nécessaires et de permettre aux enfants de la Primaire de prendre une part active à la construction du bâtiment, Adele créa le programme « achète une brique ». Chaque fois qu’un enfant donnait dix cents, il devenait propriétaire d’une brique de l’hôpital15.

En réfléchissant à son projet d’illustration du Livre de Mormon, Adele envisagea de commander une série de peintures magnifiques à l’occasion du cinquantième anniversaire de L’Ami des enfants. Cet événement se produirait en 1952, dans seulement trois ans. Elle devait donc trouver sans délai l’artiste qui pourrait réaliser les tableaux à temps16.

Plusieurs artistes de l’Église avaient déjà illustré des scènes du Livre de Mormon. Quelques décennies plus tôt, George Reynolds, secrétaire de la Première Présidence, avait publié un livre d’histoires du Livre de Mormon avec des illustrations de grande qualité réalisées par des artistes locaux. Peu de temps après, il avait publié des articles sur la vie de Néphi, illustrés par l’artiste danois C. C. A. Christensen.

Plus récemment, l’illustrateur Phil Dalby avait commencé à produire des bandes dessinées remarquables sur le Livre de Mormon pour le Deseret News. Minerva Teichert, qui avait étudié dans les meilleures écoles d’art des États-Unis, avait entrepris une série ambitieuse de peintures du Livre de Mormon peu après avoir achevé les peintures murales d’une salle d’ordonnance dans le temple de Manti. Elle voulait que ses tableaux donnent vie au Livre de Mormon, et nombre d’entre eux se composaient de scènes aux couleurs vives représentant des femmes oubliées ou anonymes dans le récit scripturaire17.

En cherchant un artiste, Adele découvrit le travail d’Arnold Friberg, un illustrateur saint des derniers jours de trente-six ans qui s’était installé en Utah depuis peu. Un de ses tableaux à thème religieux lui fit grande impression. On y voyait Richard Ballantyne, le fondateur de l’École du Dimanche, assis devant un feu crépitant, penché en avant tandis qu’il instruisait un groupe d’enfants très attentifs. Son travail était très minutieux, depuis le grain du bois du plancher jusqu’à la lumière du feu qui se reflétait sur le visage des enfants18.

Après des recherches approfondies, Adele décida qu’Arnold était le choix idéal. Il était incontestablement talentueux et manifestement passionné par la création de tableaux traitant de thèmes religieux. Même si la commande était coûteuse, Adele avait les moyens de contribuer à payer les tableaux elle-même, si nécessaire19.

Convaincue de l’utilité du projet, elle rapporta dans son journal les efforts du bureau de la Primaire, espérant que leur rêve deviendrait réalité. Elle écrivit : « Que le Seigneur nous aide20. »


Pendant ce temps, au Japon, Toshiko Yanagida assistait à autant de réunions de l’Église qu’elle pouvait. Le dimanche matin, elle se rendait à Narumi pour assister à l’École du Dimanche. La leçon était donnée par Tatsui Sato, autrefois protestant, qui s’était fait baptiser en même temps que sa femme, Chiyo, environ un an après la fin de la guerre. Ensuite, l’après-midi, Toshiko assistait à la réunion de Sainte-Cène dans un autre endroit de la ville. Le lundi, la branche organisait des réunions de la SAM ouvertes à toutes les personnes qui souhaitaient étudier les Écritures et jouer à des jeux. Toshiko y participa aussi. Après son opération, la jeune femme s’était sentie vidée physiquement, émotionnellement et financièrement. La compagnie des saints lui apportait de la joie et donnait un nouveau sens à sa vie.

Son mari, Tokichi, n’était pas content de ses longues absences. Quand elle commença à quitter la maison plus souvent, parfois en le prévenant au dernier moment, il exigea qu’elle choisisse entre son foyer et sa religion. Il lui dit : « Si tu veux tant aller à l’église, répartissons-nous les enfants. Je prendrai notre fils aîné et tu pourras prendre le cadet, et tu n’as qu’à partir de cette maison21. »

Toshiko avait commencé à aller à l’église pour le bien de ses fils, elle n’allait pas permettre que cela brise sa famille. Mais elle ne voulait pas non plus retourner à son ancienne vie. Elle décida de travailler plus dur à la maison pour montrer à son mari qu’elle pouvait se consacrer à l’Église sans nuire à leur famille. Elle le supplia : « S’il te plaît, laisse-moi continuer un peu plus longtemps. » Jour et nuit, elle priait pour que lui aussi vienne à l’église et qu’ils pratiquent la même religion22.

Un jour, Toshiko invita Ted Price et Danny Nelson à la fête d’anniversaire de son fils, Takao. Malgré la distance, les missionnaires furent heureux de venir. Ils apportèrent des bonbons pour le jeune garçon23.

Lors de la fête, Danny Nelson s’assit à côté de Tokichi et lui parla de l’Église et de l’œuvre missionnaire. Il expliqua que son collègue et lui avaient payé eux-mêmes leur mission et qu’ils n’avaient pas reçu d’argent de l’Église. Les missionnaires témoignèrent aussi de l’Évangile rétabli et de l’importance qu’il pouvait avoir pour la famille de leurs hôtes. Après le repas, ils jouèrent tous ensemble à des jeux. Avant de retourner à Narumi, les jeunes hommes prièrent avec la famille Yanagida24.

Plus tard, Tokichi dit à sa femme : « Ces missionnaires sont différents. » Il n’aimait pas les prêtres qui faisaient payer leur service. Il était impressionné par tout ce que les missionnaires étaient disposés à sacrifier pour servir Dieu. Il déclara : « Ce sont des hommes merveilleux25. »

Deux mois plus tard, en août 1949, Toshiko décida de se faire baptiser. Elle entreprit un voyage de huit heures jusqu’à Tokyo afin que son père puisse être présent. Ted Price accomplit le baptême et le président de mission, Edward Clissold, confirma Toshiko. Elle était ravie d’être enfin membre de l’Église et il était évident que son père était heureux aussi26.

Peu de temps après, Tokichi dut se rendre à Tokyo pour raisons professionnelles. Sa femme lui proposa alors d’aller au bureau de la mission pour saluer Danny Nelson, qui s’y trouvait depuis peu. Il répondit simplement : « Si j’ai le temps27. »

Comme il n’y avait pas de téléphone chez eux, Toshiko dut attendre trois jours que son mari rentre de son voyage et lui donne des nouvelles. Elle était impatiente de savoir s’il était passé au foyer de la mission. Elle demanda : « As-tu vu Nelson ? »

« Oui, répondit-il. C’est lui qui m’a baptisé et frère Goya m’a imposé les mains. » Toshiko ne connaissait pas Koojin Goya, l’un des nombreux missionnaires nippo-américains de Hawaï appelés à servir au Japon28.

Elle était stupéfaite. Son mari ne l’avait jamais accompagnée à l’Église à Narumi, mais le Seigneur l’avait quand même conduit jusqu’au baptême.

« Banzai ! » pensa-t-elle. Génial !29

Après le baptême de Tokichi, le couple décida d’aller à l’église avec la famille Sato dans une assemblée de militaires américains qui se réunissaient dans une base de l’armée près de chez eux, à Nagoya. Toshiko se réjouissait que les membres de sa famille aillent désormais à l’église ensemble mais les réunions étaient en anglais. Même si Tatsui maîtrisait bien cette langue et traduisait pour eux, la jeune femme souhaitait que sa famille étudie l’Évangile dans sa propre langue.

Elle écrivit une lettre au nouveau président de mission, Vinal Mauss, demandant si des réunions en japonais pouvaient être organisées à Nagoya30.


Le 6 novembre 1949, Paul Bang baptisa Sandra, sa fille de huit ans. Cela faisait vingt-deux ans qu’il s’était fait baptiser dans la rivière Ohio. Depuis, il avait vu la branche de Cincinnati grandir jusqu’à devenir l’une des assemblées de saints des derniers jours les plus importantes de cette région des États-Unis. Sa femme, Connie, et lui transmettaient maintenant le patrimoine de foi qu’ils avaient eux-mêmes reçu à Sandra et à leurs autres enfants plus jeunes31.

Chaque semaine, une centaine de membres se réunissaient pour la réunion de Sainte-Cène. Puisqu’il avait été impossible de construire un nouveau lieu de culte pendant la guerre, la branche avait acheté une ancienne synagogue juive. Avec l’aide de l’entreprise de construction du président de branche, Alvin Gilliam, ils l’avaient rénovée à l’intérieur comme à l’extérieur. Ils avaient également embauché un étudiant en art pour peindre une fresque représentant le Sauveur sur le mur derrière la chaire32.

Dans la nouvelle église, la branche disposait de beaucoup d’espace pour s’agrandir. Après la guerre, de nombreux jeunes membres de la branche, notamment ceux qui avaient de la famille proche dans la région, avaient choisi de s’installer à Cincinnati, d’y fonder une famille et de servir dans l’Église33. Pendant un temps, Paul avait été conseiller dans la présidence de branche. Il faisait maintenant partie du grand conseil de district avec son père, Christian Bang. Connie était la dirigeante des Glaneuses au sein de la SAM des jeunes filles de la branche34.

Du fait de sa taille et de l’expérience de ses membres, la branche de Cincinnati pouvait aider les plus petites branches de la région. Chaque dimanche, des familles de Cincinnati se rendaient à Georgetown, un village situé à soixante-cinq kilomètres à l’est, pour apporter leur soutien à un petit groupe de saints35.

Néanmoins, malgré la force de la branche, ses membres restaient divisés au sujet de la ségrégation raciale. Len et Mary Hope, le seul couple afro-américain de la branche, tenaient encore des réunions mensuelles chez eux car des membres de la branche ne voulaient toujours pas qu’ils participent aux services réguliers de l’Église. Ces rassemblements comptaient désormais jusqu’à trente personnes, dont la famille Bang et des membres de leur famille élargie. Mary ne savait jamais à l’avance combien de personnes viendraient mais il semblait qu’elle préparait toujours assez de nourriture pour tout le monde. Len dirigeait les réunions et choisissait les cantiques. L’un de ses préférés était : « Seigneur, merci pour le prophète36. »

Parfois, les amis de Len lui reprochaient d’appartenir à une église qui ne l’autorisait pas à détenir la prêtrise ni à assister aux services. Pourtant, Mary et Len restèrent fidèles à leur foi. Leurs amis au sein de la branche veillaient sur eux, donnant des bénédictions de la prêtrise aux membres de leur famille et les aidant à effectuer toutes sortes de travaux dans leur maison37. Lorsque Mary Louise Cates, l’une des amies afro-américaines de la famille Hope, accepta l’Évangile, Paul la baptisa. Quelques années plus tard, un membre de la branche donna une bénédiction de nouveau-né à une petite-fille du couple Hope38.

En 1947, après environ un quart de siècle de foi inébranlable, Len et Mary entreprirent un voyage en Utah. Ils séjournèrent chez un ancien missionnaire de Cincinnati, Marion Hanks, qui leur fit visiter Salt Lake City et les emmena à la conférence générale. Ils furent également accueillis par Abner et Martha Howell, un autre couple noir de l’Église. Le voyage et l’accueil chaleureux qui leur fut réservé ravirent Mary et Len. À présent, deux ans plus tard, la santé de Len déclinant, il voulait déménager en Utah pour y être enterré un jour39.

Peu après le baptême de Sandra Bang, la présidence de district appela Paul à être le président de la petite branche de Hamilton, ville située au nord de Cincinnati. Peu de temps après, Connie fut appelée secrétaire de la Société de Secours de la branche de Cincinnati. Sa bénédiction patriarcale l’exhortait à être disposée à servir dans le royaume de Dieu, ce qu’elle s’efforçait de faire, ainsi que son mari. Tout au long de leur vie, ils avaient été témoins des bénédictions du Seigneur40.

Par l’intermédiaire du patriarche, le Seigneur avait aussi promis à Connie que son père, George Taylor, prendrait part avec elle à la joie de l’Évangile. Pendant de nombreuses années, Connie n’avait eu aucune raison de penser que son père accepterait un jour de devenir membre de l’Église. Cependant, après la guerre, un cancer attaqua le corps déjà fragile de George. Il commença à aller à l’église avec Adeline, la mère de Connie, participant au culte avec les saints jusqu’à sa mort en 1947.

Plus tard, il apparut en rêve à sa femme. Il avait l’air malade et abattu, et il boitait toujours, comme depuis des années. Adeline fut perturbée par ce rêve et elle demanda à un dirigeant de l’Église ce qu’il signifiait. Celui-ci lui répondit que George voulait que l’on fasse le travail pour lui au temple.

Son épouse se rendit alors en Utah pour recevoir les bénédictions du temple pour elle-même et faire en sorte que George reçoive les siennes. Le 28 septembre 1949, elle fut scellée à lui par procuration dans le temple de Salt Lake City. Peu de temps après, il lui apparut de nouveau en rêve. Cette fois-ci, il était heureux et en bonne santé, libéré des maux qui l’avaient accablé de son vivant.

Il la prit dans ses bras et ils dansèrent41.

  1. Collette, Collette Family History, p. 366, 370, souligné dans l’original ; « 1948 Sees First Welfare Supplies Headed for Czechoslovakia », Deseret News, 31 janvier 1948, p. 10.

  2. Collette, Collette Family History, p. 305, 340-341, 373 ; Scott A. Taggart, « Conference Held in Swiss Mission », Deseret News, 13 septembre 1947, Church section, p. 9.

  3. Collette, Collette Family History, p. 373-377.

  4. Emmy Cziep Collette à Glenn Collette, 29 juin 1949, dans Collette, Collette Family History, p. 391-392 ; Collette, Collette Family History, p. 342, 364, 385.

  5. Alberta Temple, Sealings of Living Couples, 1923-1956, 24 mai 1949, microfilm 170 738, U.S. and Canada Record Collection, FHL ; Collette, Collette Family History, p. 388, 390 ; Emmy Cziep Collette à Glenn Collette, 29 juin 1949, dans Collette, Collette Family History, p. 391-392.

  6. Yanagida, Oral History Interview, 1996, p. 1, 8.

  7. Yanagida, Oral History Interview, 1996, p. 2-7 ; Yanagida, Oral History Interview, 2001, p. 1 ; Yanagida, « Ashiato », p. 2 ; Yanagida, « Takagi and Nikichi Takahashi, Two of the Very Early Baptisms », p. 22 ; Takagi, Trek East, p. 152 ; Britsch, « Closing of the Early Japan Mission », p. 263-283.

  8. Yanagida, Oral History Interview [1996], p. 8.

  9. Yanagida, Oral History Interview [1996], p. 7-8 ; Yanagida, Oral History Interview [2001], p. 3 ; General Church Welfare Committee, Minutes, 20 septembre 1946 ; 18 et 20 décembre 1946 ; 10 octobre 1947 ; Takagi, Trek East, p. 315-317 ; Britsch, From the East, p. 82-85. Sujet : Japon

  10. Yanagida, Oral History Interview [1996], p. 7-8 ; Yanagida, Oral History Interview [2001], p. 4 ; Price, Mission Journal, 24 avril 1949 ; Yanagida, « Ashiato », p. 7 ; Yanagida, « Relief Society President Experiences ».

  11. Price, Mission Journal, 24 avril 1949 ; Yanagida, Oral History Interview [1996], p. 8-9 ; Yanagida, Oral History Interview, 2001, p. 3-5 ; Yanagida, « Banzai », p. 188.

  12. Reynolds, « Coming Forth of the Book of Mormon », p. 10, 18-19, 26 ; Primary Association General Board, Minutes, 31 mars 1949 ; Parmley, Oral History Interview, p. 46 ; Marion G. Romney, Remarks at Adele Cannon Howells funeral, 17 avril 1951, Primary Association General Board, Minutes, CHL ; Peterson et Gaunt, Children’s Friends, p. 63, 71 ; Adele Cannon Howells à Velma Hill, sans date ; Spencer W. Kimball à Adele Cannon Howells, aux conseillers et à l’association de la Primaire, 18 août 1949, Primary Association General Records, CHL. Sujet : La Primaire

  13. Spencer W. Kimball à Adele Cannon Howells, aux conseillers et à l’association de la Primaire, 18 août 1949, Primary Association General Records, CHL.

  14. Peterson et Gaunt, Children’s Friends, p. 69 ; Madsen et Oman, Sisters and Little Saints, p. 119-120 ; « 2 Conference Broadcasts Will Be Open », Deseret News, 31 mars 1948, p. 1. Sujets : Médias audiovisuels ; Périodiques de l’Église

  15. Howells, Diary, 10 juin 1947 ; Minutes of the Board of Trustees of the Primary Children’s Hospital Meeting with the First Presidency, 17 janvier 1948 ; Adele Cannon Howells et autres à la Première Présidence, 12 janvier 1949, 12 janvier 1949, First Presidency Mission Files, CHL ; Mandleco et Miller, « History of Children’s Hospitals in Utah », p. 340-341 ; George Albert Smith, Journal, 1er avril 1949 ; « Primary Breaks Ground for Hospital Friday », Deseret News, 1er avril 1949, p. 1 ; Peterson et Gaunt, Children’s Friends, p. 73.

  16. Howells, Journal, 27 juillet 1950 ; Sunday School General Presidency, Minutes, 24 janvier 1950 ; Andersen, « Arnold Friberg », p. 248 ; Madsen et Oman, Sisters and Little Saints, p. 121.

  17. Reynolds, Story of the Book of Mormon ; Gutjahr, The Book of Mormon : A Biography, p. 153-164 ; George Reynolds, « Lessons from the Life of Nephi », Juvenile Instructor, 15 avril - 1er octobre 1891, volume 26, p. 233-235, 282-284, 297-290, 348-351, 373-376, 406-409, 437-440, 475-477, 502-504, 536-538, 574-577, 585-587 ; Parshall, « John Philip Dalby » ; Welch et Dant, Book of Mormon Paintings, p. 10-12, 162 ; Dant, « Minerva Teichert’s Manti Temple Murals », p. 6-32.

  18. Andersen, « Arnold Friberg », p. 248 ; Madsen et Oman, Sisters and Little Saints, p. 121 ; Barrett et Black, « Setting a Standard in LDS Art », p. 31-32 ; Swanson, « Book of Mormon Art of Arnold Friberg », p. 28.

  19. Madsen et Oman, Sisters and Little Saints, p. 121 ; Howells, Diary, 10 mars 1950 ; Barrett et Black, « Setting a Standard in LDS Art », p. 32 ; A. H. Reiser and others to First Presidency, 4 octobre 1950, Primary Association General Records, CHL.

  20. Howells, Diary, 27 juillet 1950.

  21. Yanagida, « Ashiato », p. 7-8 ; Yanagida, Oral History Interview [2001], p. 4 ; « Tatsui Sato : Translator for Life », Global Histories, ChurchofJesusChrist.org/study/history/global-histories.

  22. Yanagida, « Banzai », p. 188 ; Yanagida, « Ashiato », p. 7-8.

  23. Yanagida, « Ashiato », p. 8 ; Yanagida, « Banzai », p. 188 ; Price, Mission Journal, 16 juin 1949.

  24. Yanagida, « Banzai », p. 188 ; Yanagida, Oral History Interview [2001], p. 5 ; Price, Mission Journal, 16 juin 1949.

  25. Yanagida, Oral History Interview [1996], p. 5 ; Yanagida, Oral History Interview [2001], p. 9-10.

  26. Yanagida, Oral History Interview [1996], p. 9 ; Yanagida, Oral History Interview [2001], p. 4 ; Japanese Mission, Manuscript History and Historical Reports, 18 août 1949 ; Yanagida, « Banzai », p. 188.

  27. Yanagida, Oral History Interview [1996], p. 9.

  28. Yanagida, Oral History Interview [1996], p. 9 ; Yanagida, Oral History Interview [2001], p. 5 ; Yanagida, « Ashiato », p. 8-9 ; Yanagida, « Banzai », p. 189 ; Japanese Mission, Manuscript History and Historical Reports, 30 septembre 1949 ; « Six Japanese Leave for Mission », Deseret News, 15 septembre 1948, Church section, p. 14C.

  29. Yanagida, « Banzai », p. 189 ; Yanagida, Oral History Interview [1996], p. 9 ; Yanagida, « Ashiato », p. 9.

  30. Yanagida, Oral History Interview [2001], p. 5-6 ; Yanagida, « Memoirs of the Relief Society in Japan », p. 145 ; « Tatsui Sato : Translator for Life », Global Histories, ChurchofJesusChrist.org/study/history/global-histories. Sujet : Branches de militaires

  31. Cincinnati Branch, Minutes, 6 novembre 1949 ; Jones et Prince, Oral History Interview, [0:36:13] ; Paul Bang, « My Life Story », p. 7 ; Fish, Kramer et Wallis, History of the Mormon Church in Cincinnati, p. 65-78.

  32. Cincinnati Branch, Minutes, 10 juillet et 4 septembre - 11 décembre 1949 ; Fish, Kramer et Wallis, History of the Mormon Church in Cincinnati, p. 68, 71-74 ; Fish, « My Life Story », p. [9] ; Cannon, Interview, p. 1 ; Jones et Prince, Oral History Interview, [0:26:13].

  33. Fish, Kramer et Wallis, History of the Mormon Church in Cincinnati, p. 74, 76 ; Cincinnati Branch, Minutes, 2 février 1947.

  34. Fish, Kramer et Wallis, History of the Mormon Church in Cincinnati, p. 76-77 ; Cincinnati Branch, Minutes, 9 octobre 1949 ; Georgetown Branch, Minutes, 2 mai 1948 ; Cincinnati Branch, YWMIA Minute Book, Attendance Roll, 1949-1950.

  35. Fish, Kramer et Wallis, History of the Mormon Church in Cincinnati, p. 77 ; Georgetown Branch, Minutes, 2 mai 1948 ; octobre 1948 - février 1949 ; juillet - décembre 1949 ; Cannon, Interview, p. 1.

  36. Blackham, History, p. 6-7 ; Cannon, Interview, p. 3 ; Jones et Prince, Oral History Interview, [1:05:38] ; voir aussi, par exemple, Summers, Mission Journal, 7 novembre 1937 ; 6 février 1838 ; 6 mars 1938 ; Jones, Mission Journal, 3 juillet 1949 ; 6 novembre 1949 ; 9 avril 1950. Sujet : Ségrégation raciale

  37. Jones, Mission Journal, 3 septembre 1949 ; 18 mars 1950 ; 21 mai 1950 ; Blackham, History, p. 7.

  38. Cincinnati Branch, Minutes, 5 octobre 1941 et 3 octobre 1948 ; Mary Louise Cates, dans Cincinnati Branch, Record of Members and Children, n° 396.

  39. « Cincinnati Pair to Attend Conference for First Time », Deseret News, 26 septembre 1947, p. 9 ; Hanks, Oral History Interview, p. 3, 7-9 ; Blackham, History, p. 8 ; Obituary for Len Hope, Deseret News and Salt Lake Telegram, 15 septembre 1952, p. 4B.

  40. Président de district du sud de l’Ohio aux membres de Hamilton et de Middleton, 18 janvier 1950, Paul and Cornelia T. Bang Papers, CHL ; Fish, Kramer et Wallis, History of the Mormon Church in Cincinnati, p. 77 ; Cincinnati Branch, Minutes, 12 février 1950 ; Cornelia Taylor, Patriarchal Blessing, p. 2, Paul and Cornelia T. Bang Papers, CHL.

  41. Cornelia Taylor, Patriarchal Blessing, 6 février 1935, p. 2, Paul and Cornelia T. Bang Papers, CHL ; Ludlow, Interview, [0:00:41]-[0:04:05] ; Bang, Autobiography, p. 7-9 ; Salt Lake Temple, Sealings for the Dead, Couples, 1943-1970, 27 septembre 1949, microfilm 456,528, U.S. and Canada Record Collection, FHL.