Jusqu’au revoir
Laisse tomber
Tiré de « Le baume de Galaad », L’Étoile, janvier 1988, p. 13-18.
Le monde de mon ami s’effondra. Il avait perdu sa femme.
Si vous connaissez l’angoisse, le chagrin, la honte, la jalousie, la désillusion ou l’envie, si vous vous faites des reproches ou si vous vous trouvez des excuses, réfléchissez à la leçon que m’a apprise un patriarche, il y a bien longtemps. C’était un saint homme, comme jamais je n’en ai rencontré. […]
Il avait grandi dans une petite ville, avec le désir de faire quelque chose de sa vie. Il lui avait fallu se battre pour faire des études.
Il avait épousé la jeune fille qu’il aimait et tout semblait être parfait. Il avait un bon travail et un avenir brillant lui était promis. Sa femme et lui s’aimaient profondément et elle attendait leur premier enfant.
La nuit où le bébé devait naître, il y eut des complications. Le seul médecin était quelque part dans la campagne, prenant soin des malades. […]
Finalement, on réussit à joindre le médecin. Devant l’urgence, il agit rapidement et eut bientôt les choses en mains. Le bébé naquit et le danger était écarté, semblait-il.
Quelques jours plus tard, la jeune mère mourut, victime de la même infection que le médecin avait soignée chez quelqu’un d’autre cette nuit-là.
Le monde de John s’effondra. Rien n’allait plus ; tout allait mal. Il avait perdu sa femme. Il ne pouvait s’occuper à la fois du bébé et de son travail.
Au fil des semaines, son chagrin devint de la rancœur. Il disait : « Ce médecin ne devrait pas avoir le droit d’exercer. Il a transmis l’infection à ma femme. S’il avait pris des précautions, elle serait vivante aujourd’hui. »
Il ne pensait à rien d’autre et, dans son amertume, il devint menaçant. […]
Un soir, on frappa à sa porte. Une petite fille dit simplement : « Papa veut que vous veniez le voir. Il veut vous parler. »
« Papa » était le président de pieu. […]
Ce berger spirituel veillait sur son troupeau et il avait quelque chose à lui dire.
Le conseil de ce dirigeant sage fut simplement : « John, laisse tomber. Rien de ce que tu feras ne la ramènera. Quoi que tu fasses, cela ne fera qu’aggraver la situation. John, laisse tomber. » […]
Déchiré, il lutta pour se ressaisir. Enfin, il résolut qu’il devait obéir, quelles que soient les conséquences.
L’obéissance est un puissant remède spirituel. C’est presque une panacée.
Il décida de suivre le conseil de ce sage dirigeant spirituel. Il laisserait tomber.
Il me dit ensuite : « Ce n’est que devenu vieux que j’ai compris et que j’ai finalement pu voir un pauvre médecin de campagne surchargé de travail, sous-payé, courant dans ses vêtements râpés d’un malade à l’autre, avec peu de médicaments, pas d’hôpital, peu d’instruments, s’efforçant de sauver des vies et y réussissant la plupart du temps.
« Il était intervenu à un moment de crise où deux vies étaient en jeu et il avait agi au plus vite.
Il répéta: « Il m’a fallu attendre d’être un vieil homme, avant de comprendre enfin ! J’aurais gâché ma vie et la vie d’autres personnes. »
Bien des fois il avait remercié le Seigneur à genoux pour ce sage dirigeant spirituel qui lui avait simplement conseillé : « John, laisse tomber. »