« ‘La dîme de mon peuple’ », Révélations dans leur contexte, 2016
« La dîme de mon peuple », Révélations dans leur contexte
« La dîme de mon peuple »
Après une année difficile à Kirtland, en Ohio, Joseph Smith arriva, au début de l’année 1838, à Far West, au Missouri, prêt pour un nouveau départ. Peu après son arrivée, il reçut une révélation exigeant la construction à Far West d’une ville sainte avec un temple en son centre1. Dans la même révélation, le Seigneur interdit à la Première Présidence d’emprunter de l’argent pour atteindre ces objectifs. Elle en avait emprunté pour financer la maison du Seigneur à Kirtland, et bien que les bénédictions en aient valu chaque centime, elle était encore en train de s’efforcer de rembourser ces dettes2. Comment les saints allaient-ils lever les fonds nécessaires pour bâtir une fois de plus une ville ayant un temple ?
Cela n’était pas une question nouvelle pour la jeune Église. En 1831, à Kirtland, le Seigneur avait donné la loi de consécration pour répondre à ces mêmes préoccupations3. Le Seigneur y commandait aux saints d’offrir libéralement à l’évêque ce que Dieu leur avait accordé, l’évêque leur consacrant ensuite une intendance au nom du Seigneur. En tant qu’intendants, les saints étaient « amplement pourvus » et il était attendu d’eux qu’ils remettent à l’évêque de l’Église tout leur surplus afin de le « distribu[er] aux pauvres et aux nécessiteux », d’acheter des terres pour les saints et de bâtir Sion4.
Les révélations du Seigneur sur la consécration mettaient l’accent sur les principes du libre arbitre, de l’intendance et de la responsabilité de chacun. Joseph enseigna ces points de doctrine aux évêques et, à leur tour, ils soulignèrent la nature libre des offrandes et les bénédictions conditionnelles qui leur étaient associées5.
Pendant l’essentiel des années 1830, il y eut deux évêques : Edward Partridge qui servait les saints au Missouri (ou Sion, le centre de l’Église) et Newel K. Whitney qui les servait dans le seul pieu de l’Église de l’époque, à Kirtland, en Ohio. Joseph et les évêques essayèrent d’aider les saints à obéir à la loi, mais des saints réticents et des voisins hostiles firent obstacle à ces efforts. En 1837, la difficulté de leur ministère fut double parce que l’Église avait de grosses dettes, et les États-Unis s’enfonçaient dans une longue récession économique.
À l’époque, les saints pensaient que la dîme désignait n’importe quelle quantité de biens ou d’argent consacrée librement. En septembre 1837, l’évêque Whitney et ses conseillers dans l’épiscopat de Kirtland déclarèrent : « Tel est l’objectif établi de notre Dieu, […] que la grande œuvre des derniers jours doit être réalisée par la dîme de ses saints. » Faisant allusion à la promesse de Malachie 3:10, ils exhortèrent les saints à « apporter leur dîme au magasin, et ensuite, et pas avant, à chercher la bénédiction qui viendrait sur eux en abondance6 ».
Quelques mois plus tard, l’épiscopat du Missouri proposa une règle similaire mais plus précise : chaque foyer devait offrir une dîme de deux pour cent de sa valeur annuelle après avoir réglé les dettes du ménage. L’épiscopat de Sion écrivit : ceci « sera l’accomplissement partiel de la loi de consécration7 ».
Au début de l’année 1838, alors que Joseph Smith se préparait à déménager sa famille de Kirtland à Far West, Thomas Marsh lui écrivit une lettre depuis le Missouri, exprimant ainsi son sentiment : « L’Église se réjouira d’être à la hauteur de la loi de consécration, dès que ses dirigeants donneront le signal, ou lui montreront comment faire8 ».
Au moment où Joseph arriva à Far West, les saints affluaient des branches de l’Église des États-Unis et du Canada vers ce nouveau siège. Ils s’installèrent dans toute la région, ce qui nécessita la création d’un nouveau pieu. En juillet 1838, les perspectives d’établir une place forte et durable au nord du Missouri paraissaient prometteuses. Et la tâche écrasante de construire un temple se profilait. L’Église avait besoin de lever les fonds pour construire la maison du Seigneur en dépit des autres besoins pressants.
Ce problème en tête, Joseph rassembla plusieurs dirigeants le matin du dimanche 8 juillet 1838. Ce fut apparemment lors de cette réunion qu’il reçut la révélation sur la dîme (maintenant canonisée dans Doctrine et Alliances 119) et celle sur son affectation (maintenant Doctrine et Alliances 120)9.
Joseph pria : « Ô Seigneur, montre à tes serviteurs combien tu requiers des biens de ton peuple pour la dîme10. » La prière est rapportée dans le journal du prophète, suivie par le mot « Réponse », et ensuite par la révélation qui constitue maintenant Doctrine et Alliances 119. Le Seigneur dit : « Je requiers d’eux qu’ils remettent entre les mains de l’évêque de mon Église tout le surplus de leurs biens11. » Ensuite, dans ce qui est maintenant Doctrine et Alliances 119:2, il indique les raisons pour lesquelles les saints devaient payer la dîme12. Elles sont identiques à celles enregistrées précédemment dans ce qui est maintenant Doctrine et Alliances 42, associées à l’obéissance à la loi de consécration : lutter contre la pauvreté, acheter des terres pour les saints, construire un temple, et édifier Sion afin que les personnes qui contractent et respectent leurs alliances puissent se rassembler dans un temple et être sauvées13.
La révélation dit : « Ce sera le commencement de la dîme de mon peuple. » Ce mot dîme figure trois fois (dîme ou dîmés) dans la section 119. Chacun désigne l’offrande volontaire du surplus des biens des saints. La révélation dit : « Et après cela, ceux qui auront été ainsi dîmés payeront annuellement un dixième de tous leurs revenus. » Elle ne qualifie pas cette loi de loi inférieure qui devra un jour être remplacée, mais de « loi permanente à jamais » qui s’applique aux saints de partout14.
La révélation se termine par cet avertissement menaçant : « Et je vous le dis, si mon peuple n’observe pas cette loi pour la sanctifier, ni ne sanctifie le pays de Sion par cette loi, afin que mes lois et mes ordonnances y soient gardées, afin qu’il soit très saint, voici, en vérité, je vous le dis, il ne sera pas pour vous un pays de Sion15. »
La révélation fut lue aux saints de Far West lors de la réunion dominicale tenue ce jour-là. Ceux qui habitaient plus loin l’entendirent au cours des semaines qui suivirent16. L’évêque Partridge, qui était présent à la réunion où la révélation fut apparemment reçue, écrivit à l’évêque Whitney, en Ohio, et lui expliqua comment elle devait être respectée : « Il est requis des saints qu’ils remettent tout leur surplus entre les mains de l’évêque de Sion, et après cette première offrande, ils devront payer annuellement un dixième de tous leurs intérêts. » L’évêque Partridge pensait qu’un « dixième de tous leurs intérêts » annuels signifiait dix pour cent de ce que les saints gagneraient en intérêts s’ils investissaient leur capital net pendant un an17.
Peu après avoir reçu la révélation de la section 119, Joseph confia à Brigham Young la tâche d’aller voir les saints et « d’apprendre de quel surplus ils disposaient, avec lequel faire avancer la construction naissante du temple de Far West ». Avant de partir, Brigham demanda à Joseph : « ‘Qui sera juge de ce qui est surplus ?’ Il dit : ‘Qu’ils en jugent par eux-mêmes18’. »
Lorsque la volonté du Seigneur leur fut enseignée, les saints devinrent des intendants responsables qui purent choisir de payer librement leur dîme ou pas. Le journal du prophète relate : « Les saints viennent jour après jour consacrer et apporter leurs offrandes au magasin du Seigneur19. » Mais tous les saints n’exercèrent pas leur libre arbitre pour être des intendants sages. Plus tard, Brigham Young déplora l’avarice de certains d’entre eux20.
À cette occasion-là, le Seigneur donna également à Joseph la révélation qui se trouve maintenant dans Doctrine et Alliances 120, « révélant l’affectation à donner aux biens dîmés selon les dispositions de la révélation précédente21 ». Elle chargeait la Première Présidence, l’épiscopat de Sion et le grand conseil de Sion, de décider de la manière dont les dîmes seraient utilisées, prenant leurs décisions, dit le Seigneur, « par ma propre voix que je leur ferai entendre22 ».
Le journal de Joseph indique que le conseil nouvellement révélé se réunit rapidement à Far West afin « de prendre en considération l’affectation des biens publics dans les mains de l’évêque, en Sion, car le peuple de Sion a commencé à consacrer libéralement conformément aux révélations et commandements ». Le conseil convint que les membres de la Première Présidence devaient utiliser les fonds dont elle avait besoin, et que « le reste devait être remis à l’évêque ou aux évêques, conformément aux commandements et aux révélations23 ».
Lorsque ce qui est maintenant Doctrine et Alliances 120 fut révélé en 1838, Far West était le siège de l’Église, et l’évêque et le grand conseil locaux servaient dans le conseil avec la Première Présidence. Plus tard, le grand conseil voyageur de l’Église, le Collège des douze apôtres, devint le grand conseil général de l’Église et un Épiscopat président fut désigné ; ainsi, aujourd’hui, le conseil est composé de la Première Présidence, du Collège des douze apôtres et de l’Épiscopat président24.
Malheureusement, pendant l’automne 1838, les saints furent chassés du Missouri, le projet de construction de leur Sion fut apparemment mis temporairement en attente et le temple à peine délimité par quelques pierres. Exilés du Missouri, les saints se réunirent en Illinois, rejoints par des milliers de convertis arrivant des îles Britanniques, des États de l’est et du Canada. Là, Joseph les dirigea, comme il l’avait toujours fait, révélant la voie ligne sur ligne, jusqu’à ce qu’ils comprennent et payent, comme dîme, un dixième de leurs revenus annuels, ainsi que d’autres offrandes volontaires sous forme de temps, de talents et d’excédents de propriété25. Lorsque les apôtres demandèrent aux saints d’offrir tout ce qu’ils pouvaient pour la construction d’un temple à Nauvoo, beaucoup obtempérèrent, offrant des outils, des terres, des meubles et de l’argent26. John and Sally Canfield consacrèrent tout ce qu’ils avaient, y compris eux-mêmes et leurs deux enfants, « au Dieu des cieux et au bien de sa cause ». Dans une note à l’attention de Brigham Young, frère Canfield écrivit : « Tout ce que je possède, je le donne librement au Seigneur et je le remets entre tes mains27. »
Là à Nauvoo, ensuite en Utah, et finalement dans le monde entier, les saints des derniers jours apprirent que s’ils obéissaient ne serait-ce qu’au commandement de donner un dixième de leurs revenus annuels, l’Église pourrait rembourser ses dettes et commencer à obéir aux commandements du Seigneur de bâtir des temples, de lutter contre la pauvreté et d’édifier Sion. L’argent offert est calculable. Les bénédictions ne le sont pas.