Le gardien de mon frère
Les efforts humanitaires de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours se sont étendus à toutes les régions de la planète
Mes chers frères, je suis certain que, comme moi, vous avez vu et entendu les nouvelles à la télévision et à la radio, que vous avez lu les éditoriaux publiés par les hebdomadaires et les mensuels et vu les titres choquants des quotidiens. Tous décrivent les combats en Bosnie, les conflits tribaux en Afrique et les inondations catastrophiques en Géorgie et en Floride. Le cortège de destructions, de maisons perdues, de fermes dévastées, d’entreprises ruinées et, surtout, de terribles souffrances et de morts, se poursuit presque sans interruption.
Après les expressions de chagrin, les hochements de tête incrédules et les torsions de mains désespérées, on se pose la question: «Quand vont-ils faire quelque chose pour faire arrêter cette terrible souffrance?»
Il y a de longues années, une question semblable fut posée et enregistrée dans les saintes Ecritures, dans la Bible: «Caïn adressa la parole à son frère Abel; mais, comme ils étaient dans les champs, Caïn se jeta sur son frère Abel, et le tua.
«L’Eternel dit à Caïn: Où est ton frère Abel? Il répondit: Je ne sais pas; suis-je le gardien de mon frère?1»
Ce soir, je me sens poussé à vous proposer une réponse à cette question qui représente une réponse collective de membres de l’Eglise de partout, et de l’Eglise elle-même. Mais permettez-moi tout d’abord de vous donner quelques renseignements sur le contexte.
En mars 1967, au début de mon ministère au sein du Conseil des Douze, j’assistais à une conférence du pieu de Monument Park West, à Salt Lake City. Mon compagnon pour la conférence était un membre du comité général d’entraide de l’Eglise, Paul C. Child. Le président Child connaissait bien les Ecritures. Il avait été mon président de pieu quand j’étais détenteur de la Prêtrise d’Aaron. A présent, nous étions ensemble en visite à la conférence.
Quand son tour est venu de prendre la parole, le président Child a pris Doctrine et Alliances et a quitté la chaire pour se tenir parmi les frères de la prêtrise à qui il adressait son message. Il a pris la section 18 et a commencé à lire:
«Souvenez-vous que les âmes ont une grande valeur aux yeux de Dieu …
«Et s’il arrive que vous travailliez toute votre vie à crier repentance à ce peuple et que vous m’ameniez ne fût-ce qu’une seule âme, comme votre joie sera grande avec elle dans le royaume de mon Père!2»
Il a alors levé les yeux des Ecritures et a demandé aux frères: «Quelle est la valeur d’une âme humaine?» Il a évité de demander à un évêque, à un président de pieu ou à un membre du grand conseil de répondre, mais il a choisi un président de collège d’anciens, un frère qui somnolait et qui n’avait pas saisi le sens de la question.
L’homme, surpris, a répondu: «Frère Child, pouvez-vous répéter la question, s’il vous plaît?»
Frère Child a répété: «Quelle est la valeur d’une âme humaine?»
Connaissant le style du président Child, j’ai prié avec ferveur pour ce président de collège. ll est resté silencieux pendant un moment qui paraissait une éternité, puis il a déclaré: «Frère Child, la valeur d’une âme humaine est sa capacité de devenir comme Dieu.»
Tous les frères présents ont médité sur cette réponse. Frère Child est revenu sur l’estrade, s’est penché vers moi, et m’a dit: «Réponse profonde; réponse profonde!» Il a prononcé son discours, mais j’ai continué de réfléchir à cette réponse inspirée.
Un autre pionnier de l’entraide de l’Eglise, Walter Stover, qui est décédé il y a quelques mois au même âge qu’Ezra Taft Benson, était quelqu’un qui comprenait la valeur d’une âme humaine. Lors de ses obsèques, l’hommage suivant lui a été rendu: «Il avait la faculté de voir le Christ dans chaque visage qu’il rencontrait, et il agissait en conséquence. Ses gestes de secours compatissant et son don de mener vers les cieux tous ceux qu’il rencontrait sont légendaires. Il avait pour guide les paroles du Maître: «Toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites3.»
Et le numéro de mars 1842 de Times and Seasons proclamait: «Pour ce qui est de ce qu’un homme aisé doit donner chaque année, nous n’avons pas d’instructions spéciales à communiquer; il doit nourrir ceux qui ont faim, vêtir ceux qui sont nu, subvenir aux besoins des veuves, sécher les larmes des orphelins, consoler les affligés, que ce soit dans cette Eglise, dans une autre, ou en dehors de toute Eglise, où qu’il les trouve4.»
Depuis les deux jeûnes spéciaux de 1985 décrétés par la Première Présidence,les efforts humanitaires de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours se sont étendus à toutes les régions de la planète. Des millions de nécessiteux de la terre ont été bénis grâce aux membres de l’Eglise qui ont consacré une partie de leurs ressources à fournir des aliments et des vêtements de première nécessité, des vaccins et des programmes de nutrition pour les nouveaux-nés, à assurer l’alphabétisation, à creuser des puits, à lancer des banques de village, à créer de nouveaux emplois, à soutenir des hôpitaux et des orphelinats, à enseigner les rudiments de l’autonomie et à aider de bien d’autres manières les enfants de notre Père céleste à améliorer leur vie temporellement et spirituellement.
L’ampleur de l’aide humanitaire est impressionnante:
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Ensemble des dons humanitaires en argent 23 750 000 dollars
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Montant total ⌦de l’aide 72 480 000 dollars
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Pays bénéficiaires 109
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Nourriture ⌦distribuée 3615 tonnes
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Equipement médical ⌦distribué 243 tonnes
Tout cela s’ajoute au programme d’entraide habituel de l’Eglise financé pour la plus grande partie par les offrances de jeûne.
Les exemples d’aide humanitaire et de témoignages sur le terrain font chaud au cœur.
Après sa période coloniale, une série de conflits coloniaux a décimé la population du Ruanda, en Afrique. Au printemps de cette année, les hostilités ouvertes ont repris, causant la mort de plus d’un demi-million de personnes. Les réfugiés se sont entassés dans des camps sordides et malsains à la frontière du Zaïre, de l’Ouganda, de la Tanzanie et du Burundi voisins.
Se joignant aux efforts d’autres organisations internationales, l’Eglise s’est engagée à fournir 1,2 millions de dollars en denrées et en argent pour le secours des réfugiés. La plupart de l’aide promise a déjà été commandée ou envoyée par l’intermédiaire de quatre organisations caritatives: le Secours catholique, le comité international de la Croix-Rouge, Care et le haut commissariat des Nations-Unies aux réfugiés. Des actions continuelles sont prévues pour contribuer à arrêter la montée de la souffrance parmi ces enfants de notre Père céleste.
En Yougoslavie, à la suite de la chute du précédent régime, le pays a éclaté en factions ethniques. La guerre civile qui s’en est suivie a fait des milliers de victimes et causé chagrin et souffrances à des millions de personnes.
En collaboration avec sept organisations humanitaires différentes, l’Eglise a fourni, depuis 1991, de la nourriture, des vêtements, des couvertures, des trousses de toilette et des produits médicaux pour une valeur de 850 000 dollars. Cela en plus des contributions de nos membres d’autres pays européens.
En mai 1993, Danijela Curcic, de Zagreb, en Croatie, a écrit la lettre suivante au siège de l’Eglise, pour exprimer sa gratitude pour la nourriture donnée par les saints:
«Chères personnes charitables,
«Je vous remercie pour toutes les bonnes choses que vous avez faites pour les gens de mon pays. Cette terrible guerre civile est un crime qui n’épargne ni rien ni personne. On voit partout des réfugiés innombrables, des milliers d’enfants morts. Je vous respecte de tout mon cœur, chers amis, parce que vous avez montré votre sollicitude. La vie est plus facile, les souffrances moins dures quand on sait qu’il y a de braves gens qui veulent aider.»
Plus près de chez nous, mais secourues par les procédures d’entraide habituelles, il y a les victimes de l’inondation catastrophique de 1994 en Géorgie du sud. Trente-cinq mille familles ont été évacuées, cinq mille personnes ont trouvé un abri temporaire dans deux de nos églises, et neuf semi-remorques de nourriture et de fournitures ont été fournis par l’Eglise, principalement à des gens n’appartenant pas à notre Eglise.
Notre équipe de crise de l’Eglise, apportant des fournitures d’entraide de première nécessité, était sur place avec tout ce qui était nécessaire à peine cinq heures après avoir été réclamée par la présidence de l’interrégion.
Le premier week-end de l’inondation, 500 membres bénévoles ont aidé à déblayer 1569 maisons endommagées. Le week-end suivant, plus de 5500 bénévoles, tous venus d’unités de l’Eglise éloignées de la région ⌦sinistrée, ont apporté leur aide.
Des bénévoles de la prêtrise du pieu de Jacksonville West, en Floride, ont travaillé tout le week-end pour nettoyer une maison qui avait été presque entièrement submergée par l’inondation. Le propriétaire, un retraité non membre, monsieur Davis, a été bouleversé par l’aide qu’il a reçue. Une fois le travail terminé, les frères lui ont demandé s’ils pouvaient bénir sa maison. Ils se sont réunis, et l’évêque a béni la maison et ses occupants. Monsieur Davis avait le visage baigné de larmes. L’Esprit était très fort. Chacun des bénévoles l’a serré dans ses bras et lui a dit qu’il avait été heureux de pouvoir l’aider. Monsieur Davis a dit qu’ils ne pouvaient pas savoir tout ce qu’ils avaient fait, et qu’il ne savait pas comment les remercier.
La réaction des membres de l’Eglise, et en particulier l’action de la prêtrise dans ces situations, est touchante et merveilleuse à voir. Il en a toujours été ainsi.
Plus loin de nous, après le carnage de la Deuxième Guerre mondiale, Ezra Taft Benson a dirigé les secours de l’Eglise en apportant de la nourriture, des médicaments et des vêtements, d’une valeur de 2 millions de dollars de 1940, et remplissant 133 wagons de chemin de fer, aux membres d’Europe souffrant de la faim et du froid. Cette aide si désespérément nécessaire a contribué à sauver des vies, a secouru les gens découragés, a suscité un regain d’espoir et vivifié les prières d’action de grâce et les expressions de profonde gratitude de tous. «La charité ne périt jamais5.»
Au cours d’une collecte de vêtements chauds à expédier à des saints affligés, Harold B. Lee et Marion G. Romney ont emmené George Albert Smith, alors président de l’Eglise, à Welfare Square, à Salt Lake City. Ils ont été impressionnés par la réaction généreuse des membres de l’Eglise à la collecte et aux préparatifs pour envoyer les marchandises outre-mer. Ils ont regardé le président Smith qui observait les bénévoles empaqueter ce grand volume de vêtements et de chaussures collectés. Ils ont vu des larmes couler sur son visage. Au bout de quelques instants, il a ôté le manteau neuf qu’il portait et a dit: «Envoyez-le aussi.»
Les frères lui ont dit: «Non, président, ne l’envoyez pas; il fait froid et vous avez besoin de votre manteau.»
Mais le président Smith a refusé de le reprendre.
L’exhortation de l’apôtre Paul a été bien suivie ce jour-là: «Sois un modèle pour les fidèles, en parole, en conduite, en charité, en foi, en pureté6.»
Il y a deux semaines, Dallin H. Oaks, Robert K. Dellenbach et moi avons assisté à une conférence régionale en Hollande. Au cours d’une réunion avec les saints, j’ai rappelé le miracle des pommes de terre qui avait eu lieu dans ce pays en novembre 1947.
Pendant la première semaine de novembre 1947, dix énormes camions ont traversé la Hollande. Ils se dirigeaient vers l’est et contenaient une précieuse cargaison: soixante-quinze tonnes de pommes de terre, don des membres de l’Eglise hollandais aux saints d’Allemagne.
Au printemps de 1947, il avait été demandé aux membres de la mission hollandaise de commencer un projet d’entraide à eux, eux qui avaient reçu beaucoup de denrées d’entraide bien nécessaires des membres d’Amérique. Ils ont accueilli la proposition avec enthousiasme. La prêtrise s’est mise au travail, et en peu de temps chaque collège avait trouvé un morceau de terrain convenant au projet. On leur avait recommandé de cultiver des pommes de terre. Dans les différentes branches de l’Eglise, on a chanté, fait des discours puis prié, puis on a planté les pommes de terre. Bientôt, la récolte s’est annoncée bonne, et l’on s’est livré à des estimations prudentes de ce que l’on obtiendrait.
Pendant que les pommes de terre poussaient, Walter Stover, président de la mission d’Allemagne de l’Est, s’est rendu dans la mission hollandaise. Au cours de sa visite, les larmes aux yeux, il a parlé de la faim dont souffraient les membres de l’Eglise en Allemagne. Leur situation était pire que celle des saints des Pays-Bas. Les secours n’étaient pas parvenus aux saints d’Allemagne aussi vite qu’aux saints de Hollande.
Quand Cornelius Zappey, président de la mission hollandaise, a entendu parler de la situation des saints allemands, il n’a pas pu s’empêcher d’éprouver de la compassion pour eux, sachant combien ils avaient souffert. Une idée lui est venue, qu’il a appliquée aussitôt: «Donnons nos pommes de terre aux membres de l’Eglise d’Allemagne.» Je suis sûr qu’il était préoccupé parce que les armées allemande et hollandaise avaient été en guerre l’une contre l’autre. Les Hollandais avaient souffert de la faim. Allaient-ils suivre les recommandations? Une veuve hollandaise qui avait reçu ⌦un sac de pommes de terre a appris que le plus gros des pommes de ⌦terre était donné aux membres d’Allemagne. Elle a dit: «Mes pommes de terre doivent y aller aussi», et elle a rendu le sac de pommes ⌦de terre.
Que dit le Seigneur de tels gestes? «Je vous le dis en vérité cette pauvre veuve a donné plus qu’aucun de ceux qui ont mis dans le tronc;
« … elle a mis de son nécessaire, tout ce qu’elle possédait7.»
J. Reuben Clark a déclaré en 1936: «Le véritable objectif à long terme du plan d’entraide est l’édification de la personnalité des membres de l’Eglise, donateurs et bénéficiaires, en faisant ressortir tout ce qu’il y a de meilleur au fond d’eux et en faisant s’épanouir pleinement les richesses latentes de l’esprit, ce qui, après tout, est la mission, le but et la raison d’être de l’Eglise8.»
«Suis-je le gardien de mon frère?» Il a été répondu à cette question éternelle! Le psaume de David contient la magnifique promesse:
«Heureux celui qui s’intéresse au pauvre! Au jour du malheur l’Eternel le délivre;
«L’Eternel le garde et lui conserve la vie. Il est heureux sur la terre, et tu ne le livres pas au bon plaisir de ses ennemis. L’Eternel le soutient sur son lit de douleur; Tu le soulages dans toutes ses maladies9.»
Mes frères, je prie pour que le Seigneur fortifie chacun de nous, détenteurs de la prêtrise, afin que nous apprenions notre devoir de gardien de notre frère et soyons trouvés au service du Seigneur. Au nom de Jésus-Christ. Amen.