Les orphelins et les veuves sont aimés de Dieu
Quelle puissance, quelle tendresse, quelle compassion notre Maître et modèle a manifestées. Nous aussi, nous pouvons apporter des bénédictions aux autres, si nous suivons son noble exemple
Il y a bien longtemps, j’ai participé à une réunion rassemblant de nombreux membres, à Berlin. Un esprit de paix et de recueillement s’est installé quand on a joué un prélude de cantiques à l’orgue. J’ai regardé les gens qui étaient assis devant moi. Il y avait des mères et des pères, mais relativement peu d’enfants. La majorité des gens assis sur les bancs bondés étaient des femmes d’une quarantaine d’années, et seules! Soudain, je me suis dit que c’était peut-être des veuves qui avaient perdu leur mari pendant la Deuxième Guerre mondiale. Poussé par la curiosité, j’ai demandé au dirigeant de demander aux gens d’indiquer, en se levant, à quelle catégorie ils appartenaient. Quand il a demandé aux veuves de se lever, près de la moitié de la nombreuse assemblée l’a fait. Le visage de ces femmes était marqué par les effets terribles de la guerre. Leurs espoirs avaient été brisés, leur vie bouleversée et leur avenir leur avait été volé. Chaque visage cachait une triste histoire. Je leur ai adressé mon discours ainsi qu’à tous ceux qui avaient perdu l’être qui leur était le plus cher.
Frederick W. Babel, qui a accompagné Ezra Taft Benson dans son voyage en Europe après la guerre pour aider les saints en difficulté, raconte dans son livre On Wings of Faith une histoire bouleversante. Une mère de quatre petits enfants venait de perdre son mari. Celui-ci, jeune et beau, et qu’elle aimait plus que sa propre vie, avait été tué pendant les derniers jours des terribles combats de la Prusse orientale d’où ils venaient. Elle avait dû fuir en Allemagne de l’Ouest avec ses enfants, à 1500 km de là. Le temps était doux quand ils avaient entrepris le long et dur voyage à pied. Il était déjà difficile d’être confrontée aux dangers des réfugiés pris de ⌦panique et des soldats en maraude, mais l’hiver était arrivé, avec le froid, la neige et la glace. Ses maigres provisions étaient maintenant épuisées. Tout ce qui lui restait était sa solide foi en Dieu et en l’Evangile révélé au prophète des derniers jours, Joseph Smith.
Un matin l’impensable se produisit; elle s’éveilla, le cœur glacé. La forme minuscule de sa fillette de trois ans était froide et raide, et elle se rendit compte que l’enfant était morte. Au prix de grands efforts, la mère prépara une tombe peu profonde et y enterra son enfant bien-aimé.
Mais la mort allait l’accompagner tout le long de son voyage. Elle perdit d’abord son fils de sept ans, puis celui de cinq ans. Son désespoir était sans fond. Enfin, comme elle arrivait à la fin du parcours, son bébé mourut dans ses bras. Elle avait perdu son mari et tous ses enfants. Elle avait abandonné tous ses biens terrestres, sa maison et même son pays natal.
Accablée de désespoir, elle s’agenouilla et se mit à prier avec plus de ferveur que jamais, disant: «Cher Père céleste, je ne sais pas comment je vais pouvoir continuer. Il ne me reste rien, que ma foi en toi. Au fond de mon âme affligée, je ressens une immense gratitude pour le sacrifice de ton Fils, Jésus-Christ. Je sais que, parce qu’il a souffert et est mort, je revivrai avec ma famille; que parce qu’il a brisé les chaînes de la mort, je reverrai mes enfants dans la chair et que j’aurai la joie de les élever. En ce moment, je ne souhaite pas continuer à vivre, mais je le ferai pour que nous soyons réunis en famille et que nous retournions ensemble auprès de toi.» Cette prière, ce témoignage la soutint jusqu’à ce qu’elle arrive à Karlsruhe, sa destination.
Peut-être moins cruelles et moins spectaculaires, mais tout aussi bouleversantes sont les vies décrites dans les rubriques nécrologiques, quand l’ennemi importun qu’on appelle la mort fait son apparition et nous arrache un mari aimant, une femme aimée, et, à un âge tendre, nos enfants et nos petits-enfants. La mort est implacable. Elle ne fait pas de distinction de personne, mais de sa façon insidieuse, touche tout ⌦le monde. Parfois, c’est après de ⌦longues souffrances, et c’est une bénédiction. Dans d’autres cas, ce sont des gens dans la fleur de l’âge qu’elle emporte.
Comme autrefois, les affligés répètent fréquemment intérieurement la question: «N’y a-t-il pas de baume en Galaad?1» «Pourquoi moi, pourquoi maintenant?» Les paroles d’un beau cantique fournissent une réponse partielle:
«Où pourrais-je chercher la paix de l’âme?
Quand je ne peux trouver nul réconfort?
Quand mon cœur est brisé, que, plein de larmes,
Seul je tiens à rester, où est le port?
Mon Sauveur bien-aimé ôte ma peine,
Dans mon Gethsémané, ouvre le ciel.
Il m’accorde sa paix, brise mes chaînes,
Son amour, sa bonté sont éternels.2»
Le sort de la veuve est un thème fréquent dans les Ecritures. Nous sommes touchés par la veuve de Sarepat. Son mari était mort. Ses maigres réserves de nourriture étaient épuisées. La faim et la mort l’attendaient. C’est alors qu’est venu le prophète de Dieu. Il a demandé à la veuve, avec ce qui pourrait paraître de l’effronterie, de lui donner à manger. Sa réponse est particulièrement touchante: «L’Eternel, ton Dieu, est vivant! je n’ai rien de cuit, je n’ai qu’une poignée de farine dans un pot et un peu d’huile dans une cruche. Et voici, je ramasse deux morceaux de bois, puis je rentrerai et je préparerai cela pour moi et pour mon fils; nous mangerons, après quoi nous mourrons.3»
Les paroles rassurantes d’Elie pénètrèrent son âme:
«Ne crains point, rentre, fais comme tu as dit. Seulement, prépare-moi d’abord avec cela un petit gâteau, et tu me l’apporteras; tu en feras ensuite pour toi et pour ton fils.
«Car ainsi parle l’Eternel, le Dieu d’Israël: La farine qui est dans le pot ne manquera point et l’huile qui est dans la cruche ne diminuera point …
«Elle alla, et elle fit selon la parole d’Elie …
«La farine qui était dans le pot ne manqua point, et l’huile qui était dans la cruche ne diminua point.4»
L’histoire de la veuve de Naïn rappelle celle de la veuve de Sarepat. Le Nouveau Testament donne un récit émouvant de l’attitude pleine d’égards et de tendresse du Maître pour la veuve affligée:
«Jésus alla dans une ville appelée Naïn; ses disciples et une grande foule faisaient route avec lui.
«Lorsqu’il fut près de la porte de la ville, voici, on portait en terre un mort, fils unique de sa mère, qui était veuve; et il y avait avec elle beaucoup de gens de la ville.
«Le Seigneur, l’ayant vue, fut ému de compassion pour elle, et lui dit: Ne pleure pas!
«Il s’approcha et toucha le cercueil. Ceux qui le portaient s’arrêtèrent. Il dit: Jeune homme, je te le dis: lève-toi!
«Et le mort s’assit, et se mit à parler. Jésus le rendit à sa mère.5»
Quelle puissance, quelle tendresse, quelle compassion notre Maître et modèle a manifestées. Nous aussi, nous pouvons apporter des bénédictions aux autres, si nous suivons son noble exemple. Les occasions ne manquent pas. Il faut des yeux pour se rendre compte des situations pitoyables, des oreilles pour entendre les supplications silencieuses d’un cœur brisé, et une âme compatissante pour que nous puissions communiquer, non seulement les yeux dans les yeux ou en adressant la parole mais, comme le Sauveur, en nous parlant cœur à cœur.
Le mot veuve semble avoir eu une grande importance pour le Seigneur. Il dit à ses disciples de se garder de l’exemple des scribes qui feignent d’êtres justes par leurs longues robes et leurs prières interminables, mais qui dévorent les maisons des veuves6.
Il donna un avertissement aux Néphites: «Je m’approcherai de vous pour le jugement; et je me hâterai de témoigner contre … ceux qui oppriment … la veuve7.»
A Joseph Smith, le prophète, il dit: «Le magasin sera entretenu par des consécrations de l’Eglise, et il sera pourvu aux besoins des veuves et des orphelins aussi bien que des pauvres8.»
En général le foyer de la veuve n’est ni grand ni luxueux. Il est souvent de dimensions modestes et d’humble apparence. Il est souvent niché en haut d’escaliers ou au fond d’un couloir et est composé d’une seule pièce. C’est à ces foyers que le Seigneur nous envoie, vous et moi.
Il peut exister un réel besoin de nourriture, de vêtements ou même d’un toit. Ils peuvent être fournis. Il reste presque toujours l’espoir de ce don particulier pour nourrir l’âme.
Allez visiter les solitaires, les affligés,
Consolez les éplorés, ceux qui sont las.
Faites le bien sur votre chemin.
Rendez le monde meilleur sans attendre demain9.
Souvenons-nous que quand les fleurs des obsèques sont fânées, que les condoléances des amis ne sont plus que des souvenirs et que les prières et les paroles prononcées s’effacent dans les mémoires, les affligés restent souvent seuls. Comme manquent alors le rire des enfants, le chahut des adolescents et la tendre affection du conjoint disparu. Le tic-tac de l’horloge se fait plus fort. Le temps passe plus lentement, et les quatre murs deviennent une prison.
Nous espérons que nous entendons encore tous l’écho des paroles prononcées par le Maître, qui nous incitent à faire le bien: «Toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites10.»
Le regretté Richard L. Evans nous a lancé une exhortation:
«Nous qui sommes jeunes, nous ne devons jamais être absorbés par nos intérêts au point d’oublier qu’il y a parmi nous des gens qui vivront dans la solitude si nous ne leur permettons pas de prendre part à notre vie comme ils nous ont autrefois permis de prendre part à la leur. Nous ne pouvons pas leur rendre leur jeunesse, mais nous pouvons les aider à connaître la paix et le bonheur du crépuscule grâce à notre prévenance, à nos soins et à notre amour actif et sincère. La vie dans sa plénitude est un ministère de service, de génération à génération. Dieu fasse que ceux qui nous appartiennent ne restent jamais seuls11.»
Il y a de nombreuses années une grave sécheresse a frappé la vallée de Salt Lake. Les marchandises du magasin de Welfare Square n’étaient pas d’aussi bonne qualité ni aussi abondantes que d’habitude. Beaucoup de produits manquaient, en particulier les fruits frais. J’étais un jeune évêque, et je me souciais des besoins des nombreuses veuves de ma paroisse. J’ai prié un soir avec plus de ferveur que d’habitude, pour que ces veuves qui étaient parmi les meilleures femmes et dont les besoins étaient simples et raisonnables, puissent avoir de quoi vivre.
Le lendemain matin, j’ai reçu un coup de téléphone d’un membre de la paroisse, grossiste en fruits et légumes. Il m’a dit: «Je voudrais envoyer un semi-remorque d’oranges, de pamplemousses et de bananes au magasin de l’évêque pour les nécessiteux. Pouvez-vous faire le nécessaire? Quelle question! J’ai averti le magasin; chaque évêque a alors été averti par téléphone, et tout le chargement a été distribué. Jesse M. Dury, évêque et pionnier du plan d’entraide et responsable du magasin, a dit qu’il n’avait jamais rien vu de tel. Il a dit que c’était un jour magnifique.
La femme de cet homme d’affaires généreux est aujourd’hui veuve. Je sais que la décision que son mari et elle ont prise lui ont apporté de beaux souvenirs et la paix sur terre.
J’exprime mes remerciements sincères à tous ceux qui se soucient de la veuve. Aux voisins prévenants qui invitent une veuve à manger, et à cette armée royale de femmes fidèles, les instructrices visiteuses de la Société de Secours. J’ajoute: Que Dieu vous bénisse pour votre bonté et votre amour sincère pour la veuve, à qui manquent les mains et les voix absentes. Les paroles de Joseph Smith, le prophète, décrivent leur mission: «J’ai assisté à la Société de Secours des femmes, dont l’objet est de veiller sur les pauvres, les nécessiteux, les veuves et les orphelins, et d’accomplir toutes sortes de bonnes œuvres12.»
Je remercie les évêques prévenants et aimants qui veillent à ce qu’aucune veuve n’ait son garde-manger vide, sa maison sans chauffage et ne reçoive pas de bénédictions. J’admire les dirigeants des paroisses qui invitent les veuves à toutes les activités récréatives, en fournissant souvent un jeune de la Prêtrise d’Aaron comme accompagnateur pour l’occasion.
Souvent, ce n’est pas de nourriture ni d’un toit que la veuve a besoin, mais de sentir qu’elle fait partie du groupe. Bryan Richards, de Salt Lake City, qui est actuellement président de mission, a amené à mon bureau une veuve dont le mari était décédé pendant une mission à plein temps qu’ils faisaient. Le président Richards m’a expliqué que ses moyens financiers étaient suffisants et qu’elle voulait faire don au fonds missionnaire général du produit de deux assurances-vies de son mari décédé. Je n’ai pu retenir mes larmes quand elle m’a dit: «C’est ce que je veux faire. C’est ce que mon mari, qui aimait l’œuvre missionnaire, ferait.» Nous avons accepté le don substantiel et nous l’avons affecté au service missionnaire. J’ai vu le reçu établi à son nom, et je crois aussi de tout mon cœur qu’il a été enregistré dans les cieux. Je l’ai invitée ainsi que le président Richards à me suivre dans la salle de réunion de la Première Présidence dans le bâtiment administratif de l’Eglise. La salle est belle et paisible. J’ai demandé à cette gentille veuve de s’asseoir dans le fauteuil habituellement occupé par le président de l’Eglise. Il m’a semblé que cela ne le gênerait pas, car je connais son cœur. En s’asseyant avec humilité dans le grand fauteuil de cuir, elle a agrippé chaque bras d’une main et a déclaré: «C’est l’un des plus beaux jours de ma vie.» Cela l’était aussi pour le président Richards et moi.»
Chaque fois que je prends la 7e rue est de Salt Lake City pour aller au travail, je revois en pensée une fille prévenante, affligée d’arthrite, tenant à la main une assiette de nourriture chaude, qu’elle portait à sa mère âgée, qui habitait de l’autre côté de la rue. Elle a aujourd’hui rejoint sa mère qui l’a précédée de l’autre côté du voile. Mais sa leçon a été retenue par ses filles, qui font la joie de leur père veuf en faisant son ménage toutes les semaines, en l’invitant chez elles à manger et en riant avec lui en repensant aux beaux jours passés, faisant naître dans le cœur de ce veuf une prière de reconnaissance pour ses filles. Les pères connaissent la solitude comme les mères.
Un soir, au moment de Noël, ma femme et moi nous sommes rendus dans une maison de retraite de Salt Lake City. Nous avons cherché en vain une veuve de 95 ans, Nell, qui avait perdu la mémoire et l’usage de la parole. Une assistante nous a aidés à chercher Nell, et nous l’avons trouvée dans la salle à manger. Elle avait fini de manger et était assise en silence, fixant le vide. Elle n’avait pas l’air d’être consciente de notre présence. Quand j’ai voulu lui prendre la main, elle l’a retirée. J’ai remarqué qu’elle tenait fermement une carte de Noël. L’assistante a dit en souriant: «Je ne sais pas qui a envoyé cette carte, mais elle ne veut pas la lâcher. Elle ne parle pas, mais elle caresse la carte, la porte à ses lèvres et l’embrasse.» J’ai reconnu la carte. C’était celle que ma femme, Frances, avait envoyée à Nell la semaine précédente. Quand nous avons quitté la maison de retraite, nous ressentions l’esprit de Noël plus fort qu’en y entrant. Nous avons gardé pour nous le secret de cette carte et de la vie qu’elle avait éclairée et du cœur qu’elle avait touché. Nous nous sentions tout près du ciel.
Nous n’avons pas besoin d’attendre Noël ni la fête de l’Action de Grâces pour répondre à la tendre exhortation du Sauveur: «Va, et toi, fais de même13.»
En suivant ses pas, en méditant sur ses pensées et ses actions et en gardant ses commandements, nous serons bénis. La veuve affligée, l’orphelin et les solitaires, partout, seront égayés, consolés et soutenus par notre service, et nous comprendrons mieux les paroles notées dans l’Epître de Jacques: «La religion pure et sans tache, devant Dieu notre Père, consiste à visiter les orphelins et les veuves dans leurs afflictions, et à se préserver des souillures du monde14.»
Je prie avec ferveur pour que la paix promise par le Sauveur soit donnée à tous en ce jour de sabbat, au nom de Jésus-Christ. Amen.